Contrefaçon de Site Internet

Ordonnance de référé du 16 décembre 2005 rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, s’agissant notamment d’une contrefaçon de site Internet.

Voici le contenu d’une Ordonnance de référé du 16 décembre 2005 rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, s’agissant notamment d’une contrefaçon de site concernant Vente-privee.com / Nicolas C., Akt Communication

Ordonnance de référé du 16 décembre 2005 rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, s’agissant notamment d’une contrefaçon de site Internet.

Voici le contenu d’une Ordonnance de référé du 16 décembre 2005 rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, s’agissant notamment d’une contrefaçon de site concernant Vente-privee.com / Nicolas C., Akt Communication

FAITS ET PROCEDURE

Vu l’assignation délivrée le 10 novembre 2005 par la société anonyme Vente-privee.com, suivant laquelle il est demandé pour l’essentiel en référé de :

Vu les articles L 111-1 et L 122-4 du code de la propriété intellectuelle, 808 et 809 du NCPC,

  • constater que le site internet www.zone-privee.com est la reproduction servile du site www.vente-privee.com de la société Vente-privee.com SA ;
  • constater que le nom de domaine « zone-privee.com » est enregistré par Nicolas C., principal animateur du site www.zone-privee.com, exploité par la société Akt Communication ;
  • déclarer qu’en reproduisant de manière servile le site www.vente-privee.com pour la réalisation et la diffusion du site www.zone-privee.com, Nicolas C. et la société Akt Communication ont commis des actes de contrefaçon des droits d’auteur détenus par la société Vente-privee.com sur son site, et que par leurs agissements, ils ont commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice,

A titre subsidiaire,

  • déclarer que par leurs agissements, Nicolas C. et la société Akt Communication ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme commercial au préjudice de la société Vente-privee.com,

En tout état de cause,

  • condamner solidairement Nicolas C. et la société Akt Communication à verser la somme de 20 000 € à la société Vente-privee.com à valoir sur le préjudice subi,
  • ordonner à Nicolas C. et à la société Akt Communication de :
  • procéder à la fermeture du site internet www.zone-privee.com, et ce sous astreinte de 7500 € par jour de retard dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
  • d’avoir à publier sur la première page du site internet www.zone-privee.com en police Arial de taille 24 minimum, l’ordonnance à intervenir dans son intégralité, et ce sous astreinte de 7500 € par jour de retard, dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, et dire que la durée de publication sera d’un mois,
  • autoriser en tant que de besoin à notifier à la société Vente-privee.com à cette fin l’ordonnance à intervenir entre les mains du prestataire d’enregistrement et de gestion du nom de domaine zone-privee.com et/ou au prestataire d’hébergement du site www.zone-privee.com,
  • ordonner à Nicolas C. et à la société Akt Communication, aux frais de ces derniers, d’adresser par courrier électronique à la clientèle inscrite sur le site web www.zone-privee.com copie de l’ordonnance à intervenir, et ce sous astreinte de 7500 € par jour de retard dans un délai de 48 heures à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, et qu’ils devront justifier de cet envoi par procès verbal d’huissier,
  • dire que M. le Président du tribunal de grande instance de Paris se réservera le pouvoir de liquider les astreintes prononcées,
  • ordonner le paiement par Nicolas C. et la société Akt Communication de la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du ncpc, et des dépens, en ce compris les frais de constat de l’Agence pour la Protection des Programmes exposés par la société Vente-privee.com.

Vu les conclusions de Nicolas C. et de la société Akt Communication ;

Vu les notes remises en cours de délibéré à la suite de l’audience tenue le 21 novembre, et l’ordonnance en date du 5 décembre 2005 ordonnant la réouverture des débats et renvoyant la poursuite de l’examen de l’affaire à l’audience du lundi 12 décembre 2005 ;

DISCUSSION

Sur l’exception tendant à nous déclarer incompétent

Attendu que suivant écritures déposées à l’audience tenue le 21 novembre 2005, la société Akt Communication et Nicolas C. opposent, en visant les dispositions des articles L 411-1 et 411-4 du code de l’organisation judiciaire, L 223-22 du code du commerce et 76 du ncpc, la compétence exclusive du tribunal de commerce et demandent de mettre hors de cause Nicolas C. ;

Qu’il est fait valoir que Nicolas C. est le gérant de la société Akt Communication créée le 30 septembre 2005 en vue d’exploiter le site internet www.zone-privee.com, et qu’il ressort du constat dressé par la demanderesse que la société Akt Communication n’a commencé à exploiter celui-ci qu’à compter du 1er novembre suivant ;

Qu’il est soutenu que les faits allégués à l’encontre de Nicolas C. relèvent exclusivement de ses fonctions de gérant de la société Akt Communication, qu’il ne peut être assimilé à un concurrent de la société demanderesse, et que dès lors le litige oppose exclusivement deux sociétés, aucune faute qui soit détachable des fonctions de Nicolas C. ne pouvant être relevée ; que le fait que celui-ci soit personnellement propriétaire du nom de domaine zone-privee.com serait à cet égard sans incidence, le dépôt et l’exploitation de celui-ci n’étant pas l’objet du litige ;

Qu’il nous est ainsi demandé de nous déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Bourg en Bresse ;

Attendu que la société Vente-privee.com oppose le fait que Nicolas C. est titulaire du nom de domaine, qu’il s’est inscrit à titre personnel au club sur le site vente-privee.com, ce qui a permis la reproduction de celui-ci, et qu’il apparaît comme directeur de publication du site litigieux ;

Qu’elle en conclut que sa responsabilité est engagée à titre personnel, et que tout raisonnement contraire compromettrait l’exécution de la décision ;

Attendu que la société à responsabilité limitée Akt Communication, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 25 octobre 2005, a commencé son exploitation suivant l’extrait dit « Kbis » versé au débat le 30 septembre 2005 ;

Que cependant, si Nicolas C. apparaît être le gérant de cette société, celui-ci enregistrait le nom de domaine « zone-privee.com » à son nom dès le 8 septembre 2005, soit antérieurement au démarrage de l’activité, avec pour serveurs indiqués une dénomination faisant référence à une société Groupakt – et non Akt Communication -, indiquée sur le site litigieux (page 32 du constat) comme l’ayant mis en place ;

Que de plus, il n’est pas contesté que c’est encore Nicolas C., qui ne revendique pas la qualité de commerçant, qui s’est inscrit comme membre du club de la société Vente-privee.com, avec une adresse électronique faisant là encore référence à une société Groupakt, les défendeurs ne disconvenant pas qu’il s’agit d’une société assurant le développement de solutions informatiques, – et non Akt Communication – ce qui lui permettait d’accéder à l’ensemble des pages du site, alors qu’il est fait grief aux défendeurs de l’avoir reproduit ;

Qu’il était donc parfaitement justifié que la société demanderesse ait assigné à titre personnel Nicolas C., au sujet duquel il est à tout le moins légitime d’examiner le rôle qu’il a pu jouer en considération de la chronologie des faits décrits, non seulement pour la réalisation des faits qualifiés suivant la demanderesse de concurrence déloyale, mais aussi de ceux constitutifs à ses yeux de contrefaçon en matière de droits d’auteur, et d’envisager que la décision lui soit opposable ;

Attendu en conséquence que l’exception sera rejetée, cette juridiction, compétente à l’égard de Nicolas C., l’étant par voie de conséquence à l’égard de la société Akt Communication ;

Sur les demandes tendant à écarter certaines pièces

Attendu en premier lieu que le conseil de la société Vente-privee.com tient à préciser au sujet de la pièce n°13 des défendeurs que ceux-ci précisent retirer des débats, que celle-ci, supposée accorder licence d’exploitation du nom de domaine à la société Akt Communication, portait la date du 1er octobre, qu’il rapproche de la date postérieure de création de cette société ;

Que cette pièce sera écartée des débats ;

Dans le cadre en deuxième lieu de la note en délibéré évoquée plus haut, Nicolas C. et la société Akt Communication demandent d’écarter des débats le constat dressé le 6 octobre 2005, eu égard au fait que Me Fabre, mandataire de la société Vente-privee.com, a été un temps Président de l’Agence pour la Protection des Programmes, lien de nature à porter atteinte à l’impartialité objective de l’expert, qui a utilisé ses identifiants pour entrer dans le site litigieux. Il est demandé d’écarter en outre les captures d’écran numérotées 10 à 13, qui n’ont pas été réalisées par huissier ou par agent assermenté.

Ils invoquent une jurisprudence relative à la nécessaire indépendance de l’expert assistant un huissier constatant désigné par ordonnance.

La société Vente-privee.com soutient qu’en l’absence de lieu de subordination de l’agent de l’Agence pour la Protection des Programmes, Me Fabre ayant été secrétaire général de l’Agence de Genève, le simple constat d’un fait juridique par le biais du parrainage ne peut être remis en cause, les impressions d’écrans pouvant être confrontées aux autres éléments de preuve le cas échéant contraires.

Attendu qu’en l’espèce, il s’agit d’apprécier la réalité de faits objet d’un constat dressé par agent assermenté à la demande de la société Vente-privee.com avant toute instance, puis soumis au débat contradictoire, sans que l’intervention d’un expert vienne en accréditer le contenu ;

Que le fait par lui-même que le conseil de la société demanderesse ait pu exercer antérieurement, il y a de cela cinq ans au vue de la pièce versée au débat, l’activité de secrétaire général de l’Agence pour la Protection des Programmes à Genève, ne saurait remettre en cause les conditions objectives de l’établissement d’un simple constat effectué sur demande d’une partie ;

Attendu qu’il est fait par ailleurs grief à l’agent d’avoir utilisé ses identifiants pour accéder au contenu du site ;

Qu’en premier lieu il n’est pas contesté que l’agent à précisément décrit les matériels, logiciels d’exploitation et de navigation, d’identification d’adresse Internet Protocol associée à l’adresse internet, les types de connexion, fournisseur d’accès et les adresses IP de l’Agence ; qu’il n’est pas prétendu que les diligences techniques préalables à l’accès à l’internet et aux opérations décrites auraient pu souffrir de quelques lacunes que ce soit ;

Attendu ensuite que la page d’accueil de chacun des sites (p.4 et 18) sont d’aspect très sensiblement différent, même si le type d’activité affiché – vente privée – est le même ; qu’en revanche, le texte de présentation de l’activité du site litigieux -« qui sommes-nous ? » – représente l’exacte reproduction de celui affiché sur le site vente-privee.com, à quelques adjonctions près ;

Que le constat fait apparaître à ce stade du cheminement sur le site (p. 21) que pour s’inscrire comme membre et prendre connaissance des produits offerts et des conditions de vente, l’une des possibilités est d’être parrainé ; qu’il fait ressortir (p. 22) que l’agent a utilisé l’adresse de courrier électronique et le mot de passe associé au compte créé après parrainage par le requérant, c’est-à-dire la société Vente-privee.com, ce qui n’est pas contesté ;

Que l’utilisation par l’agent de ce moyen d’accès au contenu, qui ne représente en réalité pour cette nouvelle société qu’un mode de prospection pour capter l’attention des internautes et se constituer rapidement une clientèle, ne peut d’évidence apparaître comme déloyale, en considération du fait que le choix de l’exercice d’une activité commerciale par le vecteur d’un site internet suppose la même transparence vis-à-vis de la concurrence que celui de l’exploitation en boutique en libre accès ; qu’au surplus les défendeurs précisent eux-mêmes que trace a été laissée de ces éléments d’identification ;

Que la demande tendant à écarter des débats ce constat, qui contient par ailleurs d’autres éléments recueillis par d’autres voies non contestées, sera rejetée ;

Que s’agissant des copies d’écran objet des pièces 10 à 13, il peut être relevé que les défendeurs ne demandent pas d’écarter les pièces numérotées 6 (copie du 9/11/05), et 7 (copie le 24/10/05) ;

Que les éléments que ces pièces contiennent quant au nombre d’inscrits sur le site litigieux ont été en réalité largement soumis au débat ; qu’il n’y a lieu d’écarter ces pièces dont les données ont été confrontées à celles présentées par les défendeurs ;

La société anonyme Vente-privee.com expose que le contenu du site qu’elle exploite n’est accessible qu’aux seuls membres par identifiant et mot de passe, et qu’elle a enregistré l’inscription d’un membre déclaré comme étant dénommé Nicolas C., avec pour adresse de courrier électronique 69009 Lyon, même si la société Akt Communication elle-même ne s’est pas inscrite.

Elle ajoute qu’un site internet www.groupakt.fr est attribué à une société du même nom ayant notamment pour activité le développement de solutions informatiques, en particulier, de sites internet, qui revendique au titre de ses références la création du site www.zone-privee.com.

Nicolas C. a, du fait de son inscription, accepté à son sens les conditions générales de vente et d’utilisation, lesquelles font réserve en leur article 11 du droit de l’auteur des textes, commentaires, ouvrages, illustrations et images reproduits sur le site vente-privee.com, qui selon le demandeur portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur.

La structuration générale du site litigieux est à ses yeux totalement identique telle qu’en atteste en page 35 le constat réalisé le 6 octobre 2005 par l’Agence pour la Protection des Programmes, à savoir : même emplacement du logo, même emplacement du menu de navigation, même emplacement de la zone d’illustration, des ventes annoncées, seule la fonction de déconnection étant placée à un endroit différent.

La reprise du même exemple de code barre « 00JPY2* » dans sa rubrique « Procédure de retour d’un produit » est relevée (p. 57 du constat APP).

Le contenu ayant également été repris de manière quasiment intégrale, les défendeurs se sont aux yeux de la société demanderesse illicitement appropriés le travail d’élaboration, de correction et de mise à jour important effectué par sa concurrente, la société Vente-privee.com, créée le 31 janvier 2001 et dont le nom de domaine a fait l’objet d’un dépôt le 30 mars 2000, et le site d’un démarrage de l’exploitation dès 2001.

La société Akt Communication n’a été créée que très récemment, le 25 octobre 2005, pour exploiter le site internet www.zone-privee.com dont le nom de domaine a été enregistré par son titulaire, Nicolas C., d’ailleurs désigné comme le directeur de la publication du site.

Visant les dispositions des articles L 113-1 et L 113-2 du code de la propriété intellectuelle, le site vente-privee.com constitue indubitablement à ses yeux une œuvre de l’esprit, œuvre collective multimédia représentée par un logiciel auquel est associée une représentation graphique, dont la société Vente-privee.com est l’auteur, et aux droits duquel Nicolas C. et la société Akt Communication ont à ses yeux porté atteinte au sens des dispositions de l’article L 122-4 du même code.

Soulignant le fait que la société Vente-privee.com compte à ce jour environ 1 600 000 clients, la société demanderesse constate qu’alors même que le site litigieux ne fonctionnait pas encore, celui-ci pouvait déjà au 24 octobre 2005, soit avant même que la société Akt Communication ait été immatriculée au registre du commerce et des sociétés, compter près de 14 064 inscrits, chiffre augmenté de plus de 5000 membres inscrits en seulement une semaine.

Dans ces conditions, il lui parait évident que les défendeurs ont profité des investissements de la société Vente-privee.com afin de s’approprier de manière injuste le travail et les efforts qu’elle a pu fournir pour l’élaboration de son site.

Ces actes ne peuvent être dès lors à ses yeux qualifiés que d’actes de parasitisme commercial et de concurrence déloyale.

La société Akt Communication et Nicolas C., invités à l’audience tenue le 21 novembre 2005 à exposer leurs moyens de défense au fond, dans l’hypothèse où l’exception serait écartée, puis à nous adresser une note en délibéré, font valoir essentiellement, sans contester que le rapprochement entre les deux architectures de sites puisse poser problème, que le nombre d’inscrits résulte en réalité essentiellement de la qualité du travail de référencement effectué, et que ce chiffre inclus les parrainages.

Ils ajoutent qu’en réalité deux ventes ont été effectivement réalisées, soit de vêtements de marque Diesel, et de préservatifs de marque Benetton, la recette de ce dernier titre étant réduite du reversement de la somme d’un euro par unité au profit de l’association Aides ; il est fait valoir de manière plus générale la courte période d’activité, l’accès au site ayant été suspendu dès le 12 novembre 2005, constat établi le 15 novembre 2005 en attestant.

Ils demandent en conséquence de rejeter la demande d’indemnité provisionnelle, ou d’en réduire à tout le moins le montant dans de notables proportions.

Ils contestent les éléments chiffrés invoqués à l’appui de la demande d’indemnité provisionnelle, tant en ce qui concerne le nombre de membres inscrits que ceux relatifs à l’exploitation réalisée.

Admettant avoir commis une faute en reproduisant les textes, tout en estimant le droit à leur protection contestable, ce qui les a conduit à cesser l’exploitation du site, ils contestent que les ressemblances graphiques, inhérentes à l’activité en ligne et à la disponibilité de modes standard de présentation, puissent constituer des faits de contrefaçon ou de concurrence déloyale.

Il est soutenu d’autre part le caractère disproportionné de la mesure demandée de communication de la décision à la clientèle du site, sauf à écarter la demande d’indemnité provisionnelle, la publication en première page apparaissant suffisante à cet égard.

La société Vente-privee.com insiste sur le caractère personnel de l’enregistrement du nom de domaine, et l’accès de Nicolas C. au site comme sa participation à son exploitation.

Elle conteste la valeur probante des éléments par ailleurs communiqués au sujet de l’exploitation du site litigieux, et souligne l’adoption en l’espèce d’une structure identique, d’une architecture graphique et d’une structuration des rubriques parfaitement similaires.

Sur le trouble invoqué

Attendu qu’aux termes de l’article 809 du ncpc, il peut toujours être prescrit en référé, même en cas de contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Qu’en l’espèce, il n’est pas sérieusement contestable, ni d’ailleurs véritablement contesté, que le site litigieux reproduit dans sa quasi intégralité le site exploité par la société Vente-privee.com ;

Que la première page qui se présente sur la requête de l’internaute inscrivant l’adresse de chacun des sites est certes très sensiblement différente ;

Que cependant, dès que celui-ci s’est identifié et se voit présenter les produits offerts, la reproduction apparaît au niveau en premier lieu des textes, dans leur formulation et style mêmes, erreurs les affectant comprises, cette reproduction allant jusqu’à omettre de substituer sur l’une des pages à cette dénomination celle de zone-privee.com, ou de remplacer le nom de l’interlocuteur désigné ;

Qu’ensuite, le site litigieux reproduit de manière quasi identique l’architecture du site de la demanderesse, soit le fond blanc des pages, la répartition des couleurs, seul l’orangé remplaçant le rose et seuls les logos se différenciant pour l’essentiel, la présentation des annonces de vente utilisant un mode et une police sensiblement identiques ;

Attendu qu’au demeurant la société Akt Communication admet avoir commis une faute en reproduisant des textes sur lesquels elle ne disposait pas de droits ; qu’il s’agit déjà là d’un trouble manifestement illicite ;

Attendu qu’il s’agit par conséquent sinon d’une reproduction en totalité identique de l’ensemble, de la reproduction de l’architecture du site de la demanderesse, quels que soit ses éléments pouvant le cas échéant, en tout ou partie, présenter un caractère standard, architecture qui porte d’évidence, sous réserve de l’appréciation de la juridiction susceptible d’être saisie au fond, la marque de son concepteur ;

Qu’au surplus et au demeurant, au regard de la rapidité avec laquelle l’exploitation du site a été lancée, il est évident qu’en procédant à ces reproductions ou imitations la société défenderesse a fait l’économie d’un important investissement, et par la confusion inévitablement créée s’est placée dans le sillage d’une activité exploitée depuis plus de quatre ans en visant un type de clientèle identique ;

Qu’ainsi se trouve suffisamment démontrée l’existence d’un trouble à caractère manifestement illicite ;

Attendu que Nicolas C. conteste qu’un tel trouble puisse lui être imputable ;

Mais attendu que comme souligné plus haut, c’est celui-ci qui est propriétaire, et ce depuis le 8 septembre, du nom de domaine sous le nom duquel l’activité marchande du site a été exploitée, la société Akt Communication n’ayant débuté son exploitation que le 30 septembre suivant ;

Qu’il ne peut donc méconnaître sérieusement que c’est à titre personnel qu’il a de fait mis à disposition de l’activité avant même le début d’exploitation de la société en question ce mode d’accès essentiel au réseau de l’internet, le propre constat dressé par les défendeurs faisant ressortir 3885 visites (annexe 4 du constat du 7 décembre 2005) en septembre, et l’insertion qui lui a été facturée de bandeaux publicitaires par le moteur de recherche Google dès les 1er et 3 septembre qui a permis aux yeux des défendeurs de lancer l’activité ;

Qu’il ne saurait en conséquence être mis hors de cause ;

Que l’accès ayant été effectivement suspendu, il sera ordonné en tant que de besoin l’interdiction de l’accès à ce site dans les conditions précisées plus loin ;

Sur l’indemnité :

Attendu que dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier ;

Qu’en l’espèce, la réalité du préjudice invoqué n’est pas sérieusement contestable, ni d’ailleurs sérieusement contestée ;

Qu’il suffit de relever que le constat dressé par huissier le 7 décembre 2005 par les défendeurs fait ressortir notamment 3885 visites du site en septembre, 27 335 en octobre et 33 149 en novembre, et un total de membres enregistrés de 8695 ;

Que s’agissant des ventes, ils produisent des extraits de comptes relatifs à des ventes de vêtements conduisant à une marge bénéficiaire limitée à 486,31 €, et sur la vente de préservatifs, celle de 18,85 €, des relevés d’un compte bancaire ouvert au nom de la société Akt Communication arrêtés aux 10, 20 et 30 novembre étant versés aux débats ; que par ailleurs les défendeurs produisent des factures, rémunérant entre le 1er septembre et le 1er novembre 2005 le référencement du site litigieux par le moteur de recherche Google ;

Attendu qu’eu égard à ces éléments, aucune baisse de fréquentation du site de la société demanderesse n’étant corrélativement alléguée, ni que son référencement sur moteurs de recherche ait pu s’en trouver significativement affecté, le montant non sérieusement contestable à valoir sur les dommages-intérêts auxquels la société Vente-privee.com peut légitimement prétendre peut être fixé à la somme de 6000 € ;

Sur la publication :

Attendu qu’il est demandé de publier la présente décision dans son intégralité sur le site litigieux ;

Qu’il est aussi demandé de la communiquer par courrier électronique aux membres inscrits sur le site en question ;

Que ces mesures ne se conçoivent que pour autant qu’elles puissent être considérées comme de nature à mettre fin au trouble invoqué, ou assurer la remise en état qui s’impose ;

Qu’en effet, le caractère provisoire des mesures que cette juridiction peut prendre suppose que celles-ci préservent les droits et intérêts des parties devant la juridiction pouvant être saisie au fond, et ne présente pas de caractère disproportionné ;

Que la confusion qui a pu être apportée dans l’esprit de certains internautes appartenant à la clientèle potentielle de la société Vente-privee.com justifie l’affichage sur le site litigieux d’un avis relatif à la décision prise ainsi qu’il est précisé au dispositif pendant une durée d’un mois ; que l’affichage de la décision elle-même, dans la mesure où elle interviendrait dans le cadre de cette instance civile en référé n’est en revanche pas appropriée, étant rappelée que cette juridiction reste libre de faire choix de la mesure la plus adaptée quelles que soient les positions des parties ;

Que l’accès au site étant suspendu depuis le 15 novembre 2005, et en l’absence d’indication donnée au sujet d’une baisse de fréquentation du site de la demanderesse, il ne sera pas fait droit à la mesure tendant à la diffusion, auprès des membres par courriel de la décision, alors qu’une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation du dommage se trouve allouée ; que cette mesure est d’autre part inappropriée, en ce qu’il n’est pas garanti, en cas de vérification de sa bonne exécution, que les données d’identification des membres inscrits ne seraient pas transmises ;

Que la mesure retenue sera assortie d’une astreinte provisoire dans les conditions précisées au dispositif ;

Attendu en ce qui concerne la notification auprès du prestataire d’enregistrement du nom de domaine zone-privee.com et du prestataire d’hébergement du site éponyme, qu’il apparaît indiqué, afin de prévenir toute réactivation du site à l’aide du contenu litigieux, que le prestataire d’hébergement puisse avoir connaissance, au sens des dispositions de l’article 6.1.5 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004, du caractère illicite du contenu du site en cause ;

Qu’en revanche, la demande tendant à informer l’unité d’enregistrement du nom de domaine se trouve en réalité sans objet dès lors les mesures sont prises à l’encontre de Nicolas C. et la société Akt Communication ;

Que par conséquent il n’y a lieu pour le surplus à référé ;

Qu’il apparaîtrait inéquitable de laisser à la société Vente-privee.com la charge de ses frais irrépétibles, qui a porté sa demande à 8000 € à l’audience tenue le 12 décembre 2005 ;

Que la société Akt Communication et Nicolas C. seront condamnés in solidum à lui verser à ce titre la somme de 3500 € ;

Que les dépens, comprenant les frais de constat dressé par l’Agence pour la Protection des Programmes le 6 octobre 2005 justifiés à hauteur de la somme de 657,80 €, seront laissés à la charge des défendeurs.

DECISION

Par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Vu les dispositions de l’article L 411-4 du code de l’organisation judiciaire, 76 du NCPC,

. Rejetons l’exception tendant à nous déclarer incompétent,

. Ecartons des débats la pièce numérotée 13 des défendeurs,

. Rejetons la demande tendant à écarter les pièces numérotées 4 (constat), 10 à 13 de la société demanderesse,

Vu les dispositions de l’article 809 du ncpc,

. Constatons l’existence d’un trouble à caractère manifestement illicite généré par le contenu du site www.zone-privee.com, et d’une obligation non sérieusement contestable d’indemniser la société Vente-privee.com du préjudice subi,

. Condamnons in solidum Nicolas C. et la société Akt Communication à lui payer l’indemnité provisionnelle de 6000 €,

. Ordonnons à Nicolas C. et à la société Akt Communication, et ce sous astreinte provisoire par jour de retard de 800 € à l’expiration d’un délai de 48 heures faisant suite à la signification de cette décision, de :

  • cesser en tant que de besoin de donner accès au contenu du site internet www.zone-privee.com,
  • insérer en première page de ce site pendant une durée d’un mois l’avis suivant en police Arial 13 minimum, que la société Vente-privee.com est autorisée à porter à la connaissance du prestataire hébergeant le site www.zone-privee.com :

« Par ordonnance de référé en date du 16 décembre 2005, le président du tribunal de grande instance de Paris, ayant constaté au visa de l’article 809 du ncpc l’existence d’un trouble à caractère manifestement illicite généré par le contenu du site www.zone-privee.com, a ordonné en tant que de besoin à Nicolas C. et à la société Akt Communication de cesser de donner accès à celui-ci sous astreinte provisoire, condamné in solidum Nicolas C. et la société Akt Communication au paiement à la société Vente-privee.com de la somme de 6000 € à titre d’indemnité provisionnelle à valoir sur les dommages-intérêts, et celle de 3500 € au titre de l’indemnisation de ses frais irrépétibles ainsi qu’au paiement des dépens, et autorisé la société Vente-privee.com à communiquer cet avis au prestataire hébergeant le site »,

. Nous réservons la liquidation éventuelle de l’astreinte provisoire, et disons qu’il pourra nous en être référé en cas de difficultés,

. Disons n’y avoir lieu pour le surplus à référé,

. Condamnons in solidum Nicolas C. et la société Akt Communication à payer à la société Vente-privee.com la somme de 3500 € en application des dispositions de l’article 700 du ncpc ;

. Laissons les dépens y compris les frais du constat dressé le 6 octobre 2005, soit 657,80 €, in solidum à leur charge.

Le tribunal : M. Emmanuel Binoche (premier vice-président),

Avocats : Me Cyril Fabre, Me Myriam Angelier