Le droit à l’oubli numérique

Par Louise AVERNA et Christelle HUYGHUES-BEAUFOND

Parmi l’énumération nombreuse des droits de l’homme que la sagesse du XIXème siècle recommence si souvent et si complaisamment, deux assez importants ont été oubliés, qui sont le droit de se contredire et le droit de s’en aller. Baudelaire, Edgar Poe, sa vie et ses œuvres.

 Plus contemporain, Etienne Drouard, avocat spécialisé en propriété intellectuelle et technologies de l’information chez K&L Gates, a pu souligner que , «la problématique de l’oubli et de la mémoire est la problématique essentielle de la protection de la vie privée. Il ne s’agit pas de savoir si l’information est confidentielle ou publique, ce n’est pas seulement cela : c’est aussi de savoir si la production de l’information va résister au temps qui passe. On peut prendre son passé en pleine face, sans qu’il y ait de profondeur du temps qui passe dans la restitution que nous donnent les réseaux de ce qu’ils savent de nous. Aujourd’hui, les moteurs de recherche ne pondèrent pas l’indexation d’une information et sa restitution en fonction de son ancienneté, mais en fonction de sa pertinence et de sa popularité, dans laquelle il n’y a pas d’échelle de temps. La relation au temps, qui était jusqu’à présent figée par la durée de nos vies, doit complètement changer. »

 Avec l’essor des nouvelles technologies et l’omniprésence des réseaux sociaux dans nos vies, il semble que le droit à l’oubli soit donc devenu un principe primordial pour décider des traces que nous laissons sur le web. Mais dans une telle perspective, ce droit à l’oubli est-il encore possible et légitime ?

 Historiquement, ce droit à l’oubli se rattache à la défense de l’intérêt public,( notamment avec les lois d’amnistie ou le principe de prescription par exemple), pour garantir une certaine paix et cohésion sociale.

Cette prérogative dépendait alors de la notion de droit à la vie privée, concept juridique lancé en 1890 par les deux juristes américains Samuel D. Warren et Louis D. Brandeis.

 Mais ce droit à l’oubli évolue alors avec l’apparition du numérique. Ainsi, si la première loi qui a inspiré le droit à l’oubli est une loi suédoise datant de 1973, ce principe a été rapidement repris, pour, aujourd’hui, ne plus dépendre seulement du droit à la vie privée (même si ce concept reste certes toujours d’actualité).

Il aurait une valeur bien plus active : celle de « maîtriser ses informations personnelles et de bénéficier d’un environnement numérique sûr et transparent. Un droit à l’ « autodétermination informationnelle » déjà reconnu par le tribunal correctionnel fédéral allemand en 1983 ».0

 En effet, aujourd’hui ce concept de vie privée nous échappe d’autant plus avec la numérisation des paquets de données.

 C’est donc une volonté de garantir la suppression de toutes nos données personnelles (religion, race, dossier médical, liste d’achats, données de localisation, photos…) et de se protéger des abus qui a poussé au développement d’un « droit à l’oubli numérique ».

La Commission européenne le définit de la façon suivante dans son projet de règlement : « toute personne devrait avoir le droit de rectifier des données à caractère personnel la concernant, et disposer d’un « droit à l’oubli numérique » lorsque la conservation de ces données n’est pas conforme au présent règlement. En particulier, les personnes concernées devraient avoir le droit d’obtenir que leurs données soient effacées et ne soient plus traitées, lorsque ces données ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été recueillies ou traitées, lorsque les personnes concernées ont retiré leur consentement au traitement ou lorsqu’elles s’opposent au traitement des données à caractère personnel les concernant ou encore, lorsque le traitement de leurs données à caractère personnel n’est pas conforme au présent règlement ».

 Si la CNIL et les institutions européennes souhaitent l’émergence de ce nouveau droit (I), nous verrons que ce concept interroge et divise (II).

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Propos tenus par Yves Poullet, dans « le droit à l’oubli numérique », Le Monde du 3 octobre 2013, rubrique culture et idées ;

Introduction

I)    Un droit à l’oubli de plus en plus nécessaire mais difficile à cadrer

A.   La législation applicable en France

B.    Un droit à l’oubli qui ne serait pas pertinent

II)  Une harmonisation européenne

A.   Une volonté d’harmonisation au niveau européen

B.   D’autres solutions

Pour en savoir plus:  le droit à l’oubli numérique

Christelle HUYGHUES-BEAUFOND

Vice-présidente de l’association du Master 2 Droit des nouvelles technologies et société de l’information – promotion 2014.