Compte rendu du colloque « Projet de loi DADVSI et contrat social »

Les étudiants du Master 2 Droit des Nouvelles Technologies et Société de l’Information organisaient le 10 mars 2006 un colloque ayant pour thème « Projet de loi DADVSI et Contrat Social ». Vous trouverez ici le compte-rendu des débats qui ont pris part entre les différents intervenants.

Introduction : aspects historiques du droit d’auteur

Me Antoine Gitton, Avocat à la Cour et enseignant en propriété intellectuelle, retrace l’historique de la naissance du droit d’auteur. Il rappelle que le premier privilège est apparu pour protéger les investissements de l’imprimeur et précise qu’il faut attendre le XVIIe siècle et la revendication d’un monopole par des auteurs tels que Beaumarchais pour que l’on entretienne un rapport différent à la propriété intellectuelle. Les deux grands autres tournants de la législation sur le droit d’auteur ont lieu dans les années 30 avec la théorisation du droit, et en 1985 avec la loi dite « Lang » qui, via l’exception de copie privée, qualifiée de bancale par Me Gitton, octroie une capacité d’édition aux acheteurs de VHS et de cassettes audio.

L’émergence d’Internet et le succès qu’il rencontre nécessitent un minimum de consensus commun, défini par un organisme, l’Etat ; ainsi la question du contrat social s’applique à Internet.

Il précise que la directive ne concerne pas les logiciels, et traite de cette question uniquement lorsque les DRM sont des logiciels, ce qui n’est pas toujours le cas.

Par ailleurs, la directive européenne ne crée pas du droit fondamental, mais protège les intérêts des industriels, et non ceux du créateur qui est pourtant le premier élément de la création. De son point de vue la cacophonie qui entoure le projet de loi DADVSI transposant la directive n’est en rien étonnante, dans la mesure où elle introduit une quasi mesure de police dans un domaine habité par des passions libertaires contradictoires.

Il s’interroge enfin sur le statut du public, doit-on le considérer comme un consommateur ? Enfin il insiste sur la nécessité de refonder un contrat, et de restaurer la confiance perdue de toutes parts.

Sociologie, information et désinformation sur le projet de loi

M. Alexandre Delanoë, doctorant en sociologie à l’université de Bordeaux II et assistant pédagogique Risques et Systèmes, CEREBEM – Bordeaux Ecole de Management, s’est intéressé aux aspects sociologiques du droit d’auteur au moyen de bases de données d’articles. Selon lui, le contrat social englobe à la fois le droit d’auteur et la société de l’information ; Rousseau, dans Le Contrat Social, écrivait : « le droit ne naît pas de la nature, mais de conventions ». Il constate par ailleurs une double conception d’Internet, théorisée par le sociologue de Rosnay, ce qui expliquerait les écarts de transposition de la directive en Europe, notamment entre le nord et le sud.

M. Delanoë a prélevé 213 articles au sein de la presse française quotidienne nationale et régionale, sur une période d’un an. Cela lui a permis d’établir des statistiques sur l’utilisation de mots relatifs au projet de loi DADVSI. Il a ainsi constaté un décalage entre la presse traditionnelle dite « papier » et la presse Internet qualifiée de numérique.

La presse papier fut la première à s’intéresser au sujet et de façon plus importante. Jusqu’à l’apparition du mot « piratage » le 22 décembre qui marque un renversement de la situation. Cela s’explique comme une réaction épidermique, un mouvement de fronde contre l’emploi d’un terme à connotation négative. Dans le même ordre d’idée, l’étude démontre également que le terme « contre DADVSI » est plus employé par la presse numérique. Le décalage entre les deux presses traduit le décalage entre les problématiques de petits entrepreneurs…

Les modèles économiques de distribution des œuvres au public

M. Fabrice Rochelandet est maître de conférence en économie à l’Université de Paris XI (Sceaux), et notamment, co-organisateur du groupe de travail Robinson Crusoe sur l’économie numérique. Il a participé à plusieurs études dont Les pratiques de copiage des internautes français : une analyse économique en partenariat avec l’UFC Que Choisir.

Les études qu’il a réalisé sur les modèles économiques de distribution de contenus en ligne lui ont permis d’établir que la copie n’est pas un facteur explicatif de la crise du disque, mais davantage une conséquence de cette crise, les plus gros acheteurs de biens culturels sont également les plus gros copieurs : il y a une cumulativité dans les pratiques culturelles. Il est donc préférable de valoriser les échanges sur les réseaux P2P plutôt que d’essayer de les éliminer.

Il existe 4 critères objectifs de viabilité des modèles économiques de vente en ligne, pas tous économiques : le modèle économique doit assurer la rémunération des artistes, de la création, un accès non restreint à diversité culturelle, ainsi que l’innovation tant en matière de services à valeur ajoutée, qu’en matière d’interopérabilité et d’usages. Enfin il doit préserver la vie privée des internautes, critère fondamentalement économique.

Si ces critères ne sont pas respectés, on risque de reporter les problèmes qui existent actuellement. Sa conclusion est que des modes alternatifs de réseaux P2P à la restriction des usages par l’utilisation des DRM, aucun modèle n’est pleinement viable. La désintermédiation n’est valable que pour des niches (de fans par exemple), et les plate-formes de téléchargements payants ne font que recréer le modèle de vente à distance avec toutes ses tares, telles l’incomplétude et la restriction des usages.

Il observe que le projet de loi DADVSI opère une sélection avant le marché et la remplace en entourant les DRM d’une protection légale. C’est une régulation très spécifique qui oublie les autres modèles, il faudrait penser à une réglementation plus globale.

Droit d’auteur et accès à la culture

Les intérêts des artistes

M. Franck Laroze, artiste interprète, estime qu’il faut s’extraire du discours et de la logique dérivant de la pensée analogique. Avec l’avènement du numérique, les droits ont muté, les créateurs et leurs intermédiaires doivent s’adapter ou mourir. Les internautes ont profité d’un flou juridique, et les fournisseurs d’accès Internet sont probablement ceux qui tirent le plus grand bénéfice de tout cela. Mais à présent il faut réguler la situation car le droit d’auteur est en péril. Pour lui la licence globale n’est pas une solution mais un fantasme libertaire qui, tout comme l’utilisation des DRM risque de virer au cauchemar sécuritaire, car qui va se déclarer et comment va-t-on contrôler cela ? Il affirme qu’il faut revenir à la philosophie du droit, s’interroger sur la notion d’auteur, car ce n’est pas aux industriels de dicter leur loi au Gouvernement, d’autant que leurs intérêts ne coïncident pas avec ceux des auteurs.

Pour M. Roberto Mangu, artiste peintre, l’art souffre d’être redevenu officiel. On a souhaité qu’il n’existe plus de génie méconnu, mais c’était une erreur. L’art ne doit pas être libre selon Picasso, c’est le public qui doit faire l’effort d’aller découvrir les œuvres. On lui fait des propositions en utilisant les méthodes commerciales de la téléphonie, alors que le public devrait dérober l’art.

Les auteurs salariés : créations des agents publics

M. Philippe Debruyne, secrétaire général adjoint de la Fédération CFDT Communication, Conseil, Culture (F3C), fait tout d’abord un historique des créations des agents publics. Pendant très longtemps les créations des agents publics étaient la propriété de l’Etat. La suppression de l’anonymat dans les années 80 a certes permis une avancée, mais le potentiel de ces œuvres était faussé car le salarié était rémunéré pour sa création, ce qui n’était pas le cas de l’agent public. Il manquait donc une reconnaissance du travail réalisé. Pour y remédier le CSPLA a recommandé de ramener l’Etat à un statut d’employeur plutôt que de propriétaire.

En ce sens, selon lui, le projet DADVSI n’est pas novateur, car derrière ces questions juridiques il y a un mouvement de reconnaissance de la propriété intellectuelle. La question du droit d’auteur est d’abord celle du droit moral.

Le grand problème du projet de loi DADVSI selon lui est cette rémunération par le droit d’auteur qui se substitue aux rémunérations salariales. On fait croire aux salariés que ce droit n’est plus réservé au génie. On n’est plus rémunéré en fonction de son travail mais en fonction de droits acquis. Ce qui entraîne une pression très forte dans le monde de l’édition, le droit d’auteur devenant « la carotte » pour sortir les gens du salariat.

Les intérêts des producteurs

M. Guez est directeur de la Société Civile des Producteurs Phonographiques (SCPP), une société chargée de la perception et de la répartition des rémunérations perçues pour le seul compte de ses membres auprès des utilisateurs de phonogrammes et de vidéo musiques. Il estime tout d’abord que tout travail mérite rémunération. Pour ce distributeur de musique, le revenu est la base de l’économie et sans ce revenu il ne sert à rien d’investir.

Selon lui, la vente du disque corrélée à l’émergence du haut débit a conduit à une baisse de 30% sur les ventes de disques sur deux ans. Le téléchargement constitue donc une menace pour toute entreprise qui veut pouvoir vivre de son activité. Le problème avait déjà été identifié 10 ans auparavant et beaucoup de producteurs s’étaient opposés au téléchargement.

D’après lui il vaut mieux empêcher le consommateur de télécharger plutôt que le sanctionner par la suite. C’est pour cela que les DRM sont une bonne solution. Le problème qui se pose dès lors est celui de l’incompatibilité des sécurités de ces systèmes propriétaires entre eux et le refus des industriels de l’interopérabilité, d’où l’échec de la tentative Secure Digital Music Initiative (SDMI). A ceci se greffent d’autres problèmes tels que la protection de la vie privée, sur lesquels il ne s’attarde pas.

Pour M. Guez, les DRM et les plate-formes de téléchargement sont des moyens de continuer à générer de l’argent sans léser le droit des auteurs et leur travail. Il suppose dès lors que l’accès illimité au contenu par la location, le leasing ou encore le P2P avec un logiciel filtre permettant de proposer et de partager des fichiers payants entre amis, moyennant finances, sont des modèles qui peuvent plaire aux artistes. Il est persuadé qu’il n’y a d’autres alternatives que les DRM sauf peut être la vente en ligne qui puisse fonctionner. Pour lui il n’est pas illégitime de payer ce qu’on consomme.

Concernant les logiciels libres, il précise que si le projet de loi pose problème en France ce n’est pas le cas dans d’autres pays où la transposition de la directive a eu lieu sans qu’il y ait disparition de ces derniers ou des atteintes à la vie privée.

« Les » projets de loi DADVSI

La position du Parti Socialiste

M. Jacques Renard, délégué national pour la Culture au sein du Parti Socialiste, exprime tout d’abord son intérêt pour les questions soulevées par les artistes présents. Il se demande si le projet de loi de transposition de la directive est vraiment pertinent pour répondre à ces questions, et notamment celle du rapport entre les auteurs et la société civile. Par ailleurs, le domaine de la directive est soumis à une très forte évolutivité des techniques ; la loi, quand elle sera votée, sera donc inéluctablement obsolète rapidement.

S’il ne conteste pas que l’artiste, le créateur, doit être au coeur des débats, il estime en revanche que les intermédiaires, tels que les éditeurs, ou les producteurs, sont des intermédiaires essentiels en France, et qu’ils ne faut par conséquent pas négliger de protéger leurs intérêts.

Il revient sur la loi Lang relative au droit d’auteur, qui a été adoptée en 1985 à l’unanimité, à la différence du projet de loi dit DADVSI, qui piétine à l’assemblée. Ce texte est en effet confus et bâclé, il n’aborde pas la problématique du droit d’auteur dans toute son ampleur, en omettant de donner des réponses aux questions ayant trait à l’interopérabilité ou à la préservation des logiciels libres. Il se demande comment le dispositif pourra être mis en oeuvre, s’il peut être mis en oeuvre ; la question du contrôle des agents assermentés reste sans réponse.

M. Renard est en revanche farouchement opposé à toute idée de licence globale, remettant en cause le droit moral de l’auteur, qui est à la base de l’exception culturelle française. Il importe de laisser à l’artiste le soin de choisir le mode de diffusion de son oeuvre, par conséquent il est impossible d’adopter des mesures contraignantes limitant ses choix, et ce d’autant plus quand ces mesures font l’objet d’un jeu douteux entre le parlement et le corps judiciaire.

La position de l’UDF

Christelle de Crémiers, élue UDF à la mairie du 17e arrondissement et responsable de l’association « Action Paris17 » explique ensuite la position de l’UDF, et notamment celle défendue vigoureusement par M. François Bayrou à l’Assemblée nationale. Elle estime tout d’abord que les débats en France sur la directive ont été escamotés, omettant de prendre en compte la question de l’accès à la culture par le public, mais aussi celle du droit des artistes de se faire connaître.

Elle explique ensuite le caractère libéral de la directive européenne, en contradiction avec la logique beaucoup plus répressive choisie en France. En effet, le texte proposé aux parlementaires ne semble pas tenir compte de manière équilibrée de l’intérêt des grandes entreprises de l’audio-visuel, de celui des auteurs et de celui de leur public. Des mesures comme la protection technique ou DRM et la possibilité offerte aux entreprises de contrôler les activités des internautes, ce qui conduirait à une privatisation de la justice, à son sens inacceptable, répondent en effet aux attentes des entreprises sans les encadrer par une autorité de régulation, par exemple. Elle considère que la modernisation du droit d’auteur en France est indispensable et regrette que les débats qui ont eu lieu n’ont pas permis d’adopter des mesures favorables à une diffusion culturelle large et non restrictive.

Christelle de Crémiers souhaite donc que les responsables politiques s’emparent véritablement de ce sujet épineux du droit d’auteur, de façon à susciter un véritable débat public. L’artiste et son public devront être au coeur de ce débat. Il faudra notamment veiller à ne pas léser les droits des auteurs tout en permettant l’existence et le développement de plates-formes gratuites de diffusion. Elle estime aussi que les mesures techniques de protection ne sont pas efficaces en ce qu’elles deviennent toutes contournables un jour, ce qui crée inévitablement des inégalités entre les utilisateurs avertis et les autres

Les mesures de protection ou « DRM »

Le point de vue des éditeurs de logiciels

M. Pierre Habouzit, ingénieur R&D chez Intersec SAS et développeur Debian, un système Linux populaire entièrement open source, souligne tout d’abord que les éditeurs de logiciels libres sont directement concernés par le droit d’auteur, les développeurs étant en effet de véritables créateurs, au même titre que les artistes. Il rappelle les nombreuses réflexions menées par les auteurs de logiciels libres sur la paternité de leur code.

Il revient ensuite sur la difficulté de contourner les mesures techniques de protection, et sur l’impossibilité technique de les casser. Cela sera encore plus vrai lorsque le consortium TCPA, mené par Microsoft notamment, sera parvenu à déployer sa stratégie de « trusted computing » : plutôt que des mesures de protection logicielle autorisent la reproduction locale d’une oeuvre, ce seront bientôt les périphériques eux mêmes, dits « périphériques de confiance » qui seront nécessaires pour reproduire une oeuvre. Même les meilleurs « crackeurs » du monde ne pourront plus, dès lors, contourner ces dispositifs.

M. Habouzit estime que sur ces questions très techniques, le législateur est mal informé, et qu’il introduit dans la loi de transposition des risques majeurs sur les droits des citoyens sans même s’en rendre compte. Par ailleurs, alors que l’on a tendance à diaboliser les « majors », titulaires de droits et distributeurs de contenus, il faut en fait craindre les distributeurs et concepteurs de mesures de protection ou « DRM », tels que Thomson par exemple. Sous la pression de ces entreprises, le gouvernement est en fait en train d’introduire en droit français la possibilité pour certains acteurs de verrouiller le marché afin de s’assurer des parts de marché éloquentes.

Interopérabilité des systèmes et des œuvres

M. Valéry Marchive est journaliste de presse informatique professionnelle, il collabore à des magazines tels qu’ Univers Mac et l’Ordinateur Individuel. Il est par ailleurs l’auteur d’un blog intitulé Casualtek chroniques du High-Tek ordinaire proposant de nombreuses notes sur les DRM.

Selon lui, les mesures de protection sont protégées, peu importe le support sur lequel elles s’appuient. On les retrouve aussi bien dans les lecteurs de DVD de salon que dans le logiciel qui contrôle l’appareil. On associe donc DRM et logiciel. C’est cette généralité des DRM qui pose de nombreuses questions d’interopérabilité.

Il s’interroge tout d’abord sur l’interopérabilité des lecteurs iPod avec les fichiers mp3. les chansons achetées sur iTunes Store ne pourront être lues que sur le lecteur d’Apple. Il constate aussi que s’il grave des oeuvres sur son lecteur de salon, il ne pourra pas les lire sur son ordinateur sous mac ou linux. En effet son ordinateur ne découvrira qu’un CD vierge. Il lui faut donc avoir un logiciel adapté.

Le but du DRM est d’associer un contenu à un individu. Mais également et surtout d’associer un contenu à un matériel. C’est selon lui un magnifique moyen de multiplier les ventes. Par exemple les sonneries de téléphone ne fonctionnent qu’avec les musiques achetées sur la plate-forme de l’opérateur.

Mais ce système a des limites. En effet le Minidisc de Sony n’a pas fonctionné car les consommateurs refusaient d’acheter plusieurs fois le même morceau pour le lire sur des supports différents. Garantir l’interopérabilité des oeuvres permettrait donc de doper les ventes de musique en ligne.

Enjeux par rapport aux logiciels libres

M. Christophe Espern, responsable EUCD.info, une initiative d’information sur la directive 2001/29/CE lancée en 2003 par l’association FSF France, souligne tout d’abord l’impartialité du Conseil Supérieur de la Propriété Intellectuelle (CSPLA), composé à une très large majorité de représentants de grandes entreprises françaises. L’initiative EUCD, qui informe sur la directive 2001/29/CE, a en effet toujours été écartée des négociations au CSPLA.

Il explique ensuite le rapport direct de la directive avec les logiciels dits « libres ». Les mesures techniques ou DRM mettent à mal la distribution de logiciels libres, qui doivent respecter 4 libertés fondamentales : la liberté d’utiliser le logiciel pour ce que l’on veut, l’accès au code source pour pouvoir l’étudier et l’adapter à ses besoins, le droit d’en distribuer des copies, et enfin la liberté d’améliorer le code source et d’en diffuser ses améliorations. Les conditions d’utilisation de la licence utilisée par 80% des logiciels libres sont donc incompatibles avec un système de contrôle d’accès de type DRM fermé.

Les dispositions du projet de loi introduisant la responsabilité civile et pénale de l’éditeur de logiciels, introduites par l’amendement n°150 dit « amendement Vivendi », ont pour origine un projet de loi américain, le « National Information Act », qui a été écarté par l’administration Clinton, car jugé excessif. Ce principe a donc été introduit dans les traités OMPI, mais le Digital Millenium Copyright Act (DMCA) ne consacrera pas la responsabilité des éditeurs de logiciels, et protège même certains travaux de décompilation. Il n’y a donc qu’en France qu’il est interdit de neutraliser une mesure de protection.

M. Espern revient ensuite sur les pressions qui ont eu lieu au parlement, dénoncées notamment par M. Carayon et M. Cazevave, députés UMP : certains titulaires de droits auraient en effet menaçé des élus en réduisant de 25% les subventions d’aide à la culture pour les spectacles vivants dans les collectivités si ceux ci ne votaient pas les dispositions proposées par les fournisseurs de mesures techniques.

La sécurité des matériels et la privatisation de la justice

M. Jean-Marc Manach est journaliste indépendant, il écrit tant pour la presse écrite (Le Canard EnchaînéLe MondeNova Mag’) que pour la presse numérique (Internetactu.netZdnet…). Il est également formateur en sécurité informatique et Webmaster. Ses sujets de prédilection sont, la guerre de l’Information et le Net. Son site Internet manhack.net propose une large sélection d’outils de recherche d’informations.

Il rejoint tout d’abord M. Marchive en précisant que les DRM posent tellement de soucis d’utilisation qu’ils conduisent forcément à leurs contournements. Si à l’installation d’un système celui-ci plante à cause d’un virus, on perd le droit de lire le morceau. Si on achète un DVD on ne peut plus faire de copie, si on achète sur iTunes Store on ne peut plus le lire que sur l’iPod.

Au vu de toutes ces difficultés, il pense que les consommateurs vont de plus en plus être attirés par les logiciels libres. Il estime en effet qu’on ne peut avoir comme clients des gens que l’on méprise. Si les consommateurs sont fliqués ou fouillés, ils ne voudront plus aller au supermarché, il en va de même pour la musique. Avec la généralisation de Trusted Computing Platform Alliance (TCPA) et de la puce, il pense, que les gens vont arrêter de consommer ces biens culturels. Or avec les DRM on considère de facto que le consommateur est coupable.

Très attaché aux libertés individuelles, il est inquiet de l’utilisation qui peut être faite des données personnelles dans le cadre de la protection du droit d’auteur. Il rappelle que même si la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) a déposé un amendement visant à autoriser les sociétés privées à collecter des données personnelles pour recenser les actes de contrefaçon et permettre l’engagement de poursuites, cet accord ne fut donné que pour ce qui concerne la culture. Cette demande fut déposée par le Syndicat des Editeurs de Logiciels de Loisirs (SELL) pour rechercher les pirates de logiciels. Deux prestataires de services proposent ce genre de service et s’auto-accusent de violation de brevets.

La CNIL a cependant refusé à d’autres représentants d’éditeurs ce droit car ces derniers voulaient collecter des informations nominatives. La commission a jugé que les dispositifs présentés étaient disproportionnés par rapport à la finalité recherchée. Certains artistes comme le groupe Kyo ont même rappelé qu’il était techniquement possible de surveiller les internautes qui téléchargeaient, comme cela se fait en Chine. Selon M. Manach, cela remettrait en cause la question du contrat social.