Ce billet est le résultat d’un travail de synthèse demandé dans le cadre de nos cours. L’objectif était, en deux pages, de synthétiser l’ensemble des thèmes sur un sujet donné. Ce document est téléchargeable au format PDF !
Avec la disparition du monopole de l’État en matière de télévision dans le début des années 1980 et l’ouverture de ce domaine à la concurrence au secteur privé, le paysage français audiovisuel s’est retrouvé profondément bouleversé. Il a dès lors fallu réglementer le secteur, en prenant en compte d’une part le manque à gagner d’un tel changement pour les titulaires des droits d’auteur des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques et de leurs ayants droit, et d’autre part, l’essor de nouveaux acteurs dans le secteur.Notamment les fournisseurs d’accès à internet (FAI) proposent des offres regroupant plusieurs services : accès à l’Internet, téléphone fixe ou mobile, télévision (on parle d’offres « triple play »). Les FAI agissent dans le secteur de la diffusion des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques à double titre : par la diffusion de ces oeuvres à la fois par le biais des chaines hertziennes, mais aussi grâce à l’Internet, facilitant l’accès aux oeuvres de manière légale ou illégale et grâce à une nouvelle offre que constitue la vidéo à la demande (Vod : video on demand).
Afin de ne pas assister à l’effondrement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle française, comme cela a pu être le cas dans d’autres pays européens, le législateur a pris en considération l’émergence de nouveaux acteurs dans le secteur, afin de faire participer ces derniers au soutien à la création audiovisuelle par la mise en place d’un compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels (COSIP), alimenté par une taxe dite COSIP.
Il s’agira dans un premier temps d’étudier la mise en place d’une telle taxe (I) avant d’évoquer sa réforme en 2007 due à la prise en compte de l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur audiovisuel (II).
I. La mise en place de la taxe COSIP
En 1959, un compte de soutien financier, aujourd’hui appelé « compte de soutien de l’industrie cinématographique et de l’industrie audiovisuelle », gérée par le Centre National de Cinématographie (CNC) a été créé. Il comprend un compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels mis en place en 1986 au sein de la loi de finances de 1986, réglementé par les décrets n°95-110 du 2 février 1995 et n°98-35 du 14 janvier 1998, ces derniers ayant été modifiés en 2004. Ce compte de 1959 comprend également un compte de soutien à l’industrie cinématographique depuis 1960.
La taxation des différents opérateurs du commerce audiovisuel, cinématographique et vidéographique permet le développement du secteur audiovisuel français et la promotion des œuvres audiovisuelles à l’international, les recettes de cette taxation alimentant de ce fait le COSIP. Le compte de 1959 est alimenté par différentes taxes dont les recettes ainsi perçues sont réparties entre deux sections : 36% pour la section cinéma et 64% pour la section audiovisuelle (cette dernière étant le COSIP).
Par la loi de finances pour 1993 (du 30 décembre 1992) est instituée une taxe commune sur les ventes et locations en France de vidéogrammes (vidéocassettes, DVD, Bluray…), à destination d’un usage privé. Sont redevables de cette taxe les éditeurs et importateurs de vidéogrammes. Cette taxe commune sur les vidéogrammes alimente le compte de 1959 à hauteur de 2% du prix d’achat hors TVA perçu par les redevables. Comme indiqué ci-dessus, 64% du montant de la taxe sur les vidéogrammes effectivement perçue par le compte de 1959 sera reversé au COSIP (idem pour la taxe commune sur la télévision).
Par la loi de finances pour 1984 (du 29 décembre 1983) est instituée une taxe commune provenant des activités télévisuelles, alors codifiée à l’article 302 bis KB et 302 bis KC du Code général des impôts (CGI). L’assiette de la taxe se base différemment en fonction du mode de service de télévision :
→ lorsqu’il s’agit d’un service de télévision par voie hertzienne, l’assiette de la taxe porte sur les recettes d’abonnements et publicitaires.
→ lorsqu’il s’agit d’un service de télévision par satellite, l’assiette de la taxe n’est assise que sur les recettes d’abonnements.
Le taux de la taxe commune télévisuelle est progressif et plafonné à 5,5% lorsque les recettes sur lesquelles l’assiette de la taxe est basée sont supérieures à 11 000 000€.
L’essor des nouvelles technologies, et notamment le passage de l’ère analogique à celle du numérique a amené le législateur à adopter une loi en urgence en date du 5 mars 2007 dite « relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et de la télévision du futur ». En effet, l’assiette de la taxe commune télévisuelle, qui était auparavant uniquement basée sur deux modes de service de télévision, ne prenait donc pas en compte la convergence des médias.
II. Une réforme nécessaire de la taxe commune télévisuelle alimentant le COSIP liée à la convergence des médias
La loi du 5 mars 2007 a modifié l’article 302 bis KB du CGI qui visait « les exploitants » du secteur de la télévision comme étant les redevables de la taxe commune audiovisuelle. La modification opérée par la loi de 2007 étend la taxe commune télévisuelle aux distributeurs de service de télévision quel que soit le réseau de communication électronique, en passant de la notion « d’exploitants » à celle de « distributeurs et d’éditeurs ».
Dès lors, d’autres acteurs du secteur télévisuel, qui jusque là proposaient des offres de contenus audiovisuels sans pour autant participer au financement du compte de soutien de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (créé en 1959), s’y voient désormais redevables. Ainsi, les cablo-opérateurs (TNT), les distributeurs de télévisions par téléphonie mobile personnelle (TMP) participent notamment au financement du COSIP. De plus, à la suite d’un amendement, adopté le 25 janvier 2007 sur l’impulsion Emmanuel Hamelin, les fournisseurs d’accès à internet (FAI) sont eux-aussi redevables de cette taxe.
L’assiette de la taxe commune télévisuelle se trouve donc élargie et le fonctionnement du compte de soutien de 1959 modernisé. Le taux de la taxe est variable et progressif. Il différencie les éditeurs des distributeurs de services de télévision :
→ concernant les éditeurs, l’assiette de la taxe porte sur le montant hors TVA des recettes publicitaires et de parrainage (après abattement de 4% pour frais de régie), du produit de la redevance audiovisuelle et du produit des appels téléphoniques et des envois de sms afférents aux programmes TV proposés. Le taux de cette taxe est unique dans ce cas et s’élève à 5,5% lorsque l’assiette de la taxe est supérieure à 11 000 000€. Pour les services de TMP et pour les services diffusés en haute définition, le taux sera respectivement majoré de 0,1 et de 0,2%.
→ concernant les distributeurs, l’assiette se base sur le montant hors TVA des abonnements et des autres services de télévision (ex Vod) avec un taux progressif (et plafonné à 4,5% à partir de 10 000 000€ encaissés) en fonction de l’assiette de la taxe, afin de ne pas léser les petits opérateurs dans le secteur de la télévision.
Cependant, pour les offres triple-play, l’assiette de la taxe se base sur la seule part de l’abonnement correspondant au service de télévision. En contrepartie d’une TVA à taux réduit à 5,5% sur la moitié de l’abonnement, les FAI ont accepté de participer à la taxe commune télévisuelle à hauteur de 50% de l’abonnement global. En 2007, une hausse de la TVA au taux normal de 19,6% sur l’ensemble du forfait triple-play (sans pour autant revoir la base de la taxe COSIP) a poussé la société Free à proposer une option tv à 1,99€ afin de contrer les augmentations de prix liées à la hausse de TVA.
Ainsi, Free n’était redevable de la taxe commune télévisuelle que sur la base du prix de cette option et payait moins que ses homologues. Afin de contrer le contournement de Free vis-à-vis de sa contribution à la taxe commune télévisuelle, un amendement « anti-free » a été adopté par la loi de finances pour 2012 afin de centraliser la taxe COSIP à tout abonnement mobile ou fixe et non plus uniquement à la partie TV. Les FAI craignent d’être taxés plus lourdement, et la Fédération française des télécoms souligne que contrairement au budget prévisionnel, la taxe commune télévisuelle dépassera sans doute les 300 millions d’euros, alors que l’amendement plafonne le versement de la taxe au CNC à 229 millions d’euros. Il s’agit aussi de savoir à quoi va servir l’excédent des recettes de cette taxe initialement réservée au soutien de l’industrie cinématographique et audiovisuelle. Enfin, une sanction de la France par la Cour de justice de l’Union européenne pourrait être envisagée.