« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. « Ce tout premier « considérant « du préambule la Déclaration universelle des droits de …
« Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. «
Ce tout premier « considérant « du préambule la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies du 10 décembre 1948, conforté au premier article de ladite Déclaration : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits «, affirme l’existence d’un droit au respect de la dignité humaine, même si ce texte d’une grande importance politique n’a aucune valeur contraignante.
En France, ce droit à la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement ou de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle.
Il est repris à l’article 16 du Code civil : « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie «.
Le droit à la dignité humaine est également assuré par le Code pénal qui réprime les atteintes à la dignité de la personne. Ainsi, le chapitre V intitulé « Des atteintes à la dignité de la personne «, du Titre II « Des atteintes à la personne humaine «, de son deuxième Livre « Des crimes et délits contre la personne « dudit Code y est consacré. Ce chapitre comprend une série d’infractions hétéroclites sans qu’il n’y soit donné de définition de ce que le législateur entend par « atteintes à la dignité de la personne «. La circulaire du 14 mai 1993 demeure elle aussi silencieuse sur ce qu’est la « dignité humaine « et sur les faits qui lui porte atteinte, préjudice.
Le concept de « dignité humaine «, relativement récent et en extension, est difficile à cerner parce qu’il implique la définition même de ce qui fait l’humanité d’un être humain.
Nous le définirons comme la considération due à la personne parce qu’elle est humaine.
Traditionnellement, une distinction est faite entre « dignité humaine « et « dignité de la personne humaine «, concept correspondant plus au respect des droits de l’homme, distinction que nous ne retiendrons pas parce qu’elle ne nous semble pas pertinente au regard de notre sujet.
Jean PRADEL dans son ouvrage intitulé Droit Pénal Spécial définit les infractions portant atteinte à la dignité comme « celles qui, hors les cas d’attentat à la vie, à l’intégrité ou à la liberté, ont pour effet essentiel de traiter la personne comme une chose, comme un animal ou, dans le meilleur des cas, comme un être auquel serait dénié tout droit à l’honneur et à son honorabilité «
Ainsi, les atteintes à la dignité humaine se déclineraient en atteintes à l’égalité, au respect dû à la personne humaine et à son honorabilité.
Commises traditionnellement dans la vie réelle, les atteintes à la dignité humaine ont pris une nouvelle dimension sur Internet, avec le développement du réseau.
L’étude des atteintes à la dignité humaine sur Internet nous intéresse particulièrement parce qu’Internet constitue une plate-forme privilégiée de communication et d’échanges pouvant être utilisée à mauvais escient. L’affirmation de la liberté d’expression, principe à valeur constitutionnelle, et le sentiment d’anonymat partagé par un grand nombre d’internautes facilitent pour les auteurs, la commission d’atteintes à la dignité humaine.
Des lors les atteintes à la dignité humaine sont un phénomène de grande ampleur via la diffusion et l’accès aux fichiers, messages, programmes attentatoires. Donc comment Internet peut-il porter spécifiquement atteinte à la dignité humaine ?
Après avoir cerné le rôle d’Internet (I), nous étudierons les tentatives de régulation d’Internet (II) face aux atteintes à la dignité humaine.
I. Le rôle d’Internet dans le cadre des atteintes à la dignité humaine
Internet peut être vu à la fois comme un moyen de commission et comme un moyen de diffusion des atteintes à la dignité humaine.
A/ Internet, un outil de commission de l’infraction
1- Atteintes à l’égalité
La prohibition de toute forme de discrimination est un principe à valeur constitutionnelle, mentionné dans les préambules de la Constitution du 4 octobre 1958 et de la Constitution de 1946 ainsi que dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, eux-mêmes intégrés au bloc de constitutionnalité. Cette prohibition est également reprise par la Convention Européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.
Cependant, c’est au chapitre V du Code pénal « Des atteintes à la dignité de la personne « que sont incriminées les discriminations.
Ainsi, l’article 225-1 du Code les définit comme une distinction fondée sur des motifs prohibés limitativement énumérés, opérée entre les personnes physiques ou entre les personnes morales.
« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales à raison de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de l’apparence physique, du patronyme, de l’état de santé, du handicap, des caractéristiques génétiques, des moeurs, de l’orientation sexuelle, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales. «
Sur Internet, plus que les différenciations incriminées relatives au monde du travail de l’alinéa 3°, ce sont surtout les discriminations dont fournisseurs de biens et prestataires de services peuvent se rendre auteurs qui risquent d’être réalisées. (article 225-2 du Code pénal)
Ces infractions seront constituées en cas :
– de refus pur et simple d’un bien ou service (alinéa 1°)
– d’entrave apportée à une activité économique quelconque (al. 2°)
ex : refus de contracter
– le refus d’embauche, la sanction disciplinaire ou le licenciement discriminatoire (alinéa 3°)
– de soumission de l’offre de contracter à des conditions discriminatoires (al. 4°)
Une telle proposition suffirait à la constitution de l’infraction.
– de soumission d’une offre d’emploi ou de stage à une condition discriminatoire (al. 5°)
diffusée par exemple sur un site internet.
Avec l’essor de l’économie numérique, de l’Internet plate-forme d’échanges commerciaux, le risque d’existence de telles pratiques discriminatoires sur le réseau est bel et bien réel.
Contrairement à l’idée répandue dans les années quatre-vingt dix d’un Internet zone de non-droit, il n’est aujourd’hui plus contestable que les textes de droit commun lui sont applicables. Ainsi, ces discriminations sont aussi réprimées sur la toile.
Il en va de même pour les discriminations incriminées à l’article 432-7 du Code pénal. Le fait pour un dépositaire de l’autorité publique :
– de refuser le bénéfice d’un droit accordé par la loi
– d’entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque
constitue une atteinte à la dignité humaine sanctionnée dans le monde réel comme dans le monde virtuel.
Dans tous ces cas, le délit de discrimination fait partie des infractions intentionnelles. Autrement dit, un état d’esprit ségrégationniste de l’auteur est une condition indispensable à l’incrimination. De même, pour que l’infraction soit constituée, il faut que l’auteur de la discrimination ne soit pas dans un des cas légalisant cette différence d’égalité.
Sans aller jusqu’à la discrimination, l’incitation elle-même à la rupture d’égalité est réprimée. Infraction formelle, la provocation à discrimination est incriminée dans un texte spécifique non codifié, à l’article 24 de la loi de 1881 relative à la liberté de la presse.
Nous l’évoquons ici parce qu’elle consiste à pousser à l’atteinte de la dignité humaine et parce qu’Internet est un moyen de diffusion privilégié d’idées parce que peu coûteux et de grande portée.
2- Atteintes au respect dû à la personne
Catégorie intégrant des infractions assez disparates rassemblées en l’espèce parce que les faits qu’elles incriminent constituent des manquements à la considération élémentaire due aux personnes que se soit dans leurs conditions de subsistance, de travail, de logement ou même d’éducation.
Ces délits ne sont pas spécifiques au monde virtuel. Néanmoins, Internet a pu être utilisé dans tous les cas dans la commission de ces infractions que se soit comme moyen d’approche d’une future victime, de rencontre avec des complices potentiels ou encore comme plate-forme d’échanges afin d’organiser un trafic.
-La traite des êtres humains :
(Articles 225-4-1 à 225-4-8 du Code pénal.)
Punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 Euros d’amende, la traite des êtres humains est le fait :
de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir, pour la disposition d’un tiers
en échange d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage
afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit.
Les articles 225-4 du Code pénal ne sont pas issus du passé colonial de la France mais sont au contraire relativement récents puisqu’ils sont issus de la loi du 18 mars 2003. Ils résultent d’une prise de conscience de l’existence d’un esclavage moderne (exploitation domestique, économique ou/et sexuelle d’êtres humains majeurs comme mineurs) mais aussi de la sensibilisation au phénomène massif de migration illégale assistée par des passeurs où les hommes ne sont plus traités en tant que tels.
Il est difficile de connaître le rôle exact d’Internet en matière de traite des êtres humains mais il est incontestable que le réseau constitue une opportunité non négligeable d’organisation et de développement d’un tel trafic.
-Exploitation de la mendicité
(Article 225-12-5 du Code pénal issu de la loi du 18 mars 2003)
Ce délit, punit d’une peine de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 Euros, consiste par quiconque de quelque manière que ce soit :
« 1º D’organiser la mendicité d’autrui en vue d’en tirer profit ;
2º De tirer profit de la mendicité d’autrui, d’en partager les bénéfices ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la mendicité ;
3º D’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité, ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle mendie ou continue de le faire ;
4º D’embaucher, d’entraîner ou de détourner à des fins d’enrichissement personnel une personne en vue de la livrer à l’exercice d’un service moyennant un don sur la voie publique. «
-Proxénétisme
Article 225-5 du Code pénal :
« Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit :
1º D’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ;
2º De tirer profit de la prostitution d’autrui, d’en partager les produits ou de recevoir des subsides d’une personne se livrant habituellement à la prostitution ;
3º D’embaucher, d’entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d’exercer sur elle une pression pour qu’elle se prostitue ou continue à le faire.
Le proxénétisme est puni de sept ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende. «
-Recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables
Article 225-12-1 du Code pénal (lois nº 2002-305du 4 mars 2002 etnº 2003-239 du 18 mars 2003) :
« Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d’un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, est puni de trois ans d’emprisonnement et 45000 euros d’amende.
Est puni des mêmes peines le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir, en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération, des relations sexuelles de la part d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de son auteur, due à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse. «
Internet pour ces infractions d’exploitation de la mendicité, de proxénétisme et de recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables est surtout un moyen d’aborder des Internautes afin de les pousser à se livrer à la mendicité, au proxénétisme ou à la prostitution.
-Conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne
Article 225-13 du Code pénal :
« Le fait d’obtenir d’une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, la fourniture de services non rétribués ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 Euros d’amende. «
Article 225-14 du Code pénal :
« Le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 Euros d’amende. «
En Allemagne, un site Internet JobBerlin.com propose aux enchères des emplois pour lesquels « … das niedrigste Gebot gewinnt ! « soit « … la plus petite offre l’emporte «. Comment ne pas imaginer que des personnes vulnérables acceptent pour obtenir l’emploi une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli ?
-Atteintes au respect dû aux morts
Article 225-17 du Code pénal :
« Toute atteinte à l’intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.
La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.
La peine est portée à deux ans d’emprisonnement et à 30000 euros d’amende lorsque les infractions définies à l’alinéa précédent ont été accompagnées d’atteinte à l’intégrité du cadavre. «
-Bizutage
Article 225-16-1 du Code pénal issu de la loi du 17 juin 1998 :
« Hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende. «
3- Atteintes à l’honorabilité
Classiquement, l’honneur entre dans la catégorie des droits de la personnalité.
Sa protection est assurée par le droit au respect à la vie privée ainsi que par les articles du Code civil relatifs à la responsabilité civile.
Mais c’est surtout la loi pénale qui tient l’honneur pour un des éléments essentiels de la condition des personnes et qui s’efforce de sanctionner les atteintes dont il fait parfois l’objet.
Aussi, même si les textes d’incrimination des atteintes à l’honorabilité ne sont pas intégrés dans le chapitre du Code pénal relatif aux atteintes à la dignité de la personne, nous les évoquerons parmi les atteintes à la dignité humaine, d’autant plus qu’ils sont applicables à l’Internet.
Trois incriminations :
La diffamation publique (article 29 de la loi de 1881 relative à la liberté de la presse) ou privée (article R. 621-1 du Code pénal) :
« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation . La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. «
L’injure publique (article 29 de la loi de 1881 relative à la liberté de la presse) ou privée (article R. 621-2 du Code pénal) :
« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. «
La dénonciation calomnieuse (article 226-10 du Code pénal)
Si l’application à Internet des textes de droit commun incriminant les atteintes à la dignité humaine est, nous venons de le voir, envisageable, ce sont les articles 227-23 et 227-24 du Code pénal qui ne répriment pas directement ces atteintes qui constituent – nous le verrons ultérieurement – très certainement le meilleur fondement juridique pour les réprimer.
Internet n’est pas seulement un moyen de commission des infractions c’est aussi un moyen de diffusion des atteintes à la dignité humaine.
B / Internet, un moyen de diffusion des atteintes
Internet, on l’a vu, est un moyen de commettre des infractions, certes, mais il est également par ce biais un moyen de diffusion des atteintes. Si la distinction nous semble être importante c’est qu’en traitant Internet comme un moyen de diffusion, on oriente cette fois notre réflexion sous l’angle des médias. Et lorsque des atteintes à la dignité humaine sont diffusées par l’intermédiaire des médias, une seule et même question revient sans cesse : comment concilier la liberté d’expression et la protection des atteintes à la dignité humaine ?
On sait que la liberté de la presse a été érigée en principe constitutionnel par une décision des 10 et 11 octobre 1984 du Conseil Constitutionnel qui la rattache à l’article 11 de la DDHC de 1789 et va dire que cette liberté fondamentale est avant tout une liberté des lecteurs. Le Conseil Constitutionnel reconnaît ainsi un droit à l’information. Cela emporte une obligation : le public doit être à même d’exercer son libre choix sans que ni les intérêts privés ni les intérêts publics puissent y substituer leur propre décision. C’est pourquoi le Conseil Constitutionnel pose le pluralisme comme étant un objectif à valeur constitutionnel et surtout une condition de la démocratie. Ce raisonnement est très important par rapport à Internet. De plus en plus avec Internet, il existe une délégation au secteur privé pour une limitation de la liberté d’expression (par des systèmes de filtrage par exemple). Si on parle d’Internet comme d’un média, peut-on opposer aux atteintes à la dignité humaine diffusées par Internet la liberté de la presse ? Si oui, cela reviendrait à dire que les dispositions de la loi du 29 juillet1881 relative à la liberté de la presse s’appliqueraient à Internet.
D’après la loi de 1881, certaines infractions de presse constituent des atteintes à la dignité humaine. En matière d’Internet, on s’est demandé si la responsabilité des hébergeurs en cas d’atteintes à la dignité humaine à travers un site web était mise en cause par la loi de 1881 au titre d’infraction de presse. Mais la Loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 a récemment clos le débat puisqu’elle consacre une responsabilité particulière aux prestataires techniques. La responsabilité pénale des fournisseurs d’accès et des fournisseurs d’hébergements peut être retenue bien qu’il n’y ait pas de responsabilité en cascade. Ils ne sont pas soumis à une obligation de surveillance – sauf quand l’autorité judiciaire le leur demande en cas de réquisition, mais ce n’est qu’une obligation de surveillance ciblée et temporaire – mais ils doivent informer promptement les autorités. L’art. 65 de la loi de 1881 prévoit une prescription de trois mois à compter du jour où a été commise l’infraction. La LCEN a posé le débat sur la prescription en matière d’infraction de presse sur Internet. Beaucoup ont dit que sur Internet on était en présence d’un délit continue. La Cour de cassation a dit que l’art. 65 s’appliquait à Internet, c’est-à-dire que la prescription est de trois mois, mais à partir de quand ? La Cour de cassation a clarifié sa jurisprudence dans deux arrêts des 16 octobre 2001 et 27 novembre 2001 dans lesquels elle réaffirme que le délai de prescription de l’action publique court, pour les infractions de presse commises sur Internet, à partir du jour où le « message a été mis en place pour la première fois à la disposition des utilisateurs «. Cependant la Cour de cassation ne différencie pas la mise en ligne sur le réseau Internet et la mise ne ligne sur un site. Le Conseil Constitutionnel a également validé une autre disposition concernant le fait qu’une information dans un journal reprise sur le site Internet du journal lance une deuxième prescription. De même, les précautions de la télévision publique veillant au « respect de la personne humaine et de sa dignité, à travers ses programmes et son traitement de l’information et des problèmes de société… « qui se concrétise par l’interdiction de porter atteinte à la dignité de la personne, à son droit à l’image et à sa présomption d’innocence en France comme à l’étranger, s’appliquent également aux sites Internet des chaînes.
La prescription a été portée à un an en matière d’infraction liée au racisme – ce qui est possible en cas d’atteinte à la dignité humaine – peu importe le média utilisé pour la diffusion.
N’importe quel tribunal est compétent en matière d’infraction de presse sur Internet – le tribunal de Nanterre et de Paris sont très protecteurs des victimes. Le problème avec Internet c’est de savoir si les tribunaux français sont compétents quand l’information provient d’un site hébergé à l’étranger : CA paris 17 mars 2004 Association Amical des déportés d’Auschwitz et MRAP contre Yahoo, il y a eu trois ordonnances de référés, arrêt en appel n’a statué que sur la compétence territoriale et la Cour d’appel a décidé de l’application de la loi pénale française sur le fondement des art 113-3 et 113-7 et -8 du Code pénal.
La diffusion d’images est autorisée si on constate une nécessité légitime de l’information du public, même si ces nécessités de l’information imposent l’utilisation de l’image des personnes décédées à condition que toute complaisance dans le traitement du sujet soit prescrite dans un souci de respect de la dignité humaine et de la douleur des proches. Cependant, parfois ce sont les images elles-mêmes qui portent atteintes à la dignité humaine voir au droit à l’honneur du défunt et des ses proches. C’est le cas de l’affaire du préfet Erignac, la Cour de cassation, le 20 décembre 2000 a jugé que l’image de Préfet assassiné était attentatoire à la dignité de la personne humaine sur le fondement de l’art 10 de la CEDH et de l’article 16 du Code civil. Bien que la Cour d’appel s’était, elle, basée sur le droit à l’intimité de la vie privée pour sanctionner les éditeurs, la Cour de cassation a choisi de se fonder sur la notion d’atteinte à la dignité de la personne humaine car contrairement à la protection de la vie privée, elle peut être invoquée post-mortem. Cette affaire, bien qu’ayant pour support la presse classique, aurait donné lieu au même arrêt si l’atteinte avait été diffusée via Internet. A noter cependant, que cette affaire a fait l’objet d’un recours devant la CEDH qui devrait se prononcer dans les mois à venir.
Des textes spécifiques viennent compléter cette jurisprudence : la convention de Genève prévoit que les prisonniers de guerre soient traités en tout temps avec humanité et protégé contre les actes de violence insulte et curiosité publique, la diffusion d’images de prisonniers de guerre sous le couvert du droit à l’information, doit se faire dans le respect de la dignité humaine et de la sensibilité des familles. Pour se faire, le CSA dans sa recommandation du 18 mars 2003 demande que les prisonniers de guerre ne soient pas identifiables et que leurs propos ne soient pas diffusés. De même une décision récente de la cour de cassation affirme que les commentaires des journalistes doivent être exempts de tout préjugé quant à la culpabilité de la personne en cause. La présomption d’innocence a été rappelée dans l’affaire Trintignant sur le livre de Nadine Trintignant (CA paris 07/10/2003). De plus un respect de principe est dû par les journalistes à l’égard des personnes exposées dans leur douleur, liée à leur statut de victime d’infraction d’accidents de tous ordres (décès de proches, personnes disparues familles d’otages). A ce sujet, une proposition de loi visant à limiter la diffusion d’images d’attentats et de meurtres dans les médias a été déposée à l’Assemblée Nationale. Ce projet cherche à interdire « la reproduction des circonstances d’un crime ou d’un délit portant atteinte à la dignité des victimes «. Ce projet souhaite renforcer la loi de septembre 1986 et confierait au CSA la mission de faire respecter cette nouvelle mesure. Dans l’affaire de l’attentat du RER B – Cour de cassation, 20 février 2001 – il était déjà mentionné que « la liberté de communication des informations qui autorise la publication d’images des personnes impliquées dans un événement « a pour seule réserve le respect de la dignité des personnes. Pourtant en l’espèce la Cour de cassation a fait prévaloir le droit à l’information en considérant que la photographie était « dénué de toute indécence « et de toute recherche du sensationnel, il n’y avait donc pas atteinte à la dignité humaine.
Suite à ces jugements, Elisabeth Guigou avait décidé de modifier la loi sur la presse afin que les victimes d’attentats photographiées dans les postures jugées par elles dégradantes devaient être protégées par la loi. Malgré l’opposition de la presse, le texte a bien été modifié. L’article 38 alinéa 3 de la loi de 1881 a été supprimé mais l’interdiction qu’il édictait a été réintroduite dans le code pénal par la loi du 15 juin 2000 « renforçant les droits des victimes «. L’article 56 du Code pénal interdit la publication « des circonstances d’un crime ou d’un délit lorsque cette reproduction porte gravement atteinte à la dignité d’une victime «.
La diffusion de toutes ces images, textes ou vidéos sur Internet, portant atteinte à la dignité humaine se fait à l’aide de moyens de propagation très variés : chats, chaînes, réseaux peer-to-peer, spams, newsgroup… L’absence de réglementation conduit à des dérives attentatoires à la dignité humaine. Il existe à l’heure actuelle des sites dont l’intégralité du contenu est attentatoire à la dignité humaine (www.ogrish.com), et ces abus ne sont toujours pas réprimés. Pour tant il nous est désormais possible de notifier un contenu attentatoire à la dignité humaine diffusé sur Internet. Bien que la LCEN ne pose pas d’obligation de surveillance à l’égard des prestataires techniques, son article 6.I.7 impose notamment de mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à sa connaissance les infractions visées aux 5ème et 8ème alinéas de l’article 24 de la loi de 1881 et à l’article 227-23 du Code pénal (Annexe 1). L’Association des fournisseurs d’accès (AFA) a même mis à disposition un site pour informer et traiter les signalements d’abus : www.pointdecontact.net
II. Les tentatives de régulation d’Internet dans le cadre des atteintes à la dignité humaine
a) internet favorise l’organisation de trafics
Fillette aux enchères sur Internet dans la catégorie « jouets « 27/04/2004
b) Internet favorise la traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle
Cf. articles 225-4-1 et 225-4-2 du code pénal
a) Réseaux pornographiques d’adultes et de post-adolescents
b) la mise en danger des mineurs
–Les producteurs de pornographie enfantine
–Les collectionneurs de pédo-pornographie:
Enfin, on constate que l’article 227-24 du Code pénal dispose :
B/ Prévention et répression : une garantie de protection
1- La prévention : une protection en amont
Dans un but de protection générale, on trouve :
Il existe en plus une protection spécifique essentiellement liée à la protection des mineurs car la nature internationale d’Internet rend difficilement applicables les dispositions légales nationales et aucune solution technique (vérification de l’âge des visiteurs d’un site, logiciels de contrôle parental…) ne permet de prévenir totalement l’exposition des mineurs à des contenus préjudiciables. Il s’agit de dépasser une approche strictement fondée sur l’interdit. Un partage des responsabilités entre acteurs est donc nécessaire. Mais qui sont ces acteurs ? Il s’agit des pouvoirs publics, des acteurs économiques, des parents, des associations… Les forums des droits de l’Internet ont proposé bons nombres de recommandations : les pouvoirs publics pourraient mettre en place des campagnes de sensibilisation du grand public et créer par le biais de l’Education Nationale un annuaire participatif de sites sélectionnés par les élèves et leurs enseignants. Ils pourraient également lancer un débat européen sur l’encadrement légal de la diffusion des contenus préjudiciables aux enfants sur Internet. Les acteurs de l’Internet pourraient généraliser un lien « protection de l’enfance « sur les sites des fournisseurs d’accès à l’Internet et développer des nouveaux outils de contrôle parental sur l’Internet mobile. D’autres actions ont déjà été mises en place par le forum des droits de l’Internet : plus de 30 fiches pratiques destinées aux juniors sur www.droitdunet.fr , un forum de discussion a été ouvert sur le site www.foruminternet.org en partenariat avec le ministère de la Famille et des guides pratiques ont été édités à l’usage des enfants et des parents. L’installation d’un logiciel de filtrage des sites Internet dans l’ensemble des établissements scolaires a été prévue le ministre de l’Enseignement scolaire. Le Conseil consultatif de l’Internet a siégé pour la première fois en 2003 et a pour mission de conseiller le gouvernement sur des questions concernant les communications électroniques. Il s’est d’ors et déjà penché sur la protection des mineurs sur Internet. D’ailleurs certains sont désireux de créer une nouvelle incrimination pour l’adulte qui aborde un mineur sur un chat, comme ça a été le cas pour la Belgique et pour l’Angleterre mais le Ministère de la Justice a refusé la création d’une nouvelle incrimination sous-prétexte qu’il en existait déjà dans le Code pénal français susceptible de réprimer cet acte.
2- la répression : une protection en aval
convient cependant de souligner que la jurisprudence
Institutions chargées de lutter contre la cybercriminalité :
a) Instruments de droit international :
Soit ils sont à l’origine de la demande de transmission litigieuse ;
soit ils sélectionnent ou modifient les contenus faisant l’objet de la transmission.
Application de la loi française dans l’espace :
Par Carole GAY
Faustine De LUMBEE
Johanna CARVAIS
« Affaire Paris-Match «, Ccass 20/02/2001,
www.denistouret.net/eurodroits/cassinformation.html Barberger, «Le rôle du droit pénal bioéthique«, in R. Carvais et M. Sasportes dir., La greffe humaine, PUF, Paris 2000, p. 667 à 699.
>http://www.cru.fr/droit-deonto/droit/protection-droits/dignite.htm « Les droits de l’homme et Internet «,
«>http://www.educnet.education.fr/juri/lega-intro.htm les enfants du Net « : Recommandations du forum des droits sur l’Internet sur les mineurs et les contenus préjudiciables sur Internet, Communiqué de presse, www.foruminternet.org , 11/02/2004
« Notification d’un contenu attentatoire à la dignité humaine diffusé sur Internet «, _
M.>www.offres.aliceadsl.fr Levy, « Contre la mondialisation du racisme par Internet «,
http://www.chez.com/aipj/marc_levy_internet_8dec2000.htm, 08/12/2000
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