Aménagement numérique du territoire


FRANçOIS Fillon, ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – par ailleurs en charge de la diffusion des nouvelles technologies – a accordé une importante interview au quotidien « Les Echos « du 17 juin 2004 où il y détaille les mesures qu’il compte prendre pour développer les usages des nouvelles technologies sur le territoire français. Et c’est là que se trouve notre interrogation : qu’en est-il de l’aménagement numérique du territoire français ?

D’après le dictionnaire juridique de Cornu, en droit administratif, l’aménagement du territoire est la politique visant à une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources naturelles et des activités économiques (et confiés sous l’autorité directe ou déléguée du premier ministre à une délégation générale à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (la DATAR)). Elle se traduit par un ensemble de mesures très diverses : urbanisme, planification économique, orientation agricole, décentralisation industrielle, expansion régionale. D’après le petit Robert, le numérique c’est la représentation des données d’information ou de grandeurs physiques au moyen de caractères – des chiffres généralement – et aussi des systèmes, dispositifs ou procédés employant le mode de représentation discrète. Ce langage informatique comprend l’Internet, le multimédia, la téléphonie mobile, les fichiers MP3, les SMS, les technologies alternatives, etc.

L’aménagement numérique du territoire peut donc se définir comme l’organisation globale par l’administration de l’usage du numérique sur le territoire français, destinée à satisfaire les besoins de la population française en mettant en place les équipements nécessaires. Si l’Education nationale tient une place majeure dans ce dispositif c’est qu’elle apporte un budget annuel de 100 millions d’euros consacré au développement de « la société de l’information « . Cette expression, peu claire, de société de l’information a été mise à la mode par les autorités communautaires. Le dictionnaire de la culture juridique tend à reconnaître que cette expression « vise vaguement l’étape nouvelle que connaîtrait l’aventure humaine depuis que la communication électronique permet un accès plus ou moins illimité à des informations se trouvant n’importe où dans le monde « , c’est-à-dire depuis la création d’Internet. Il est enfin utile de préciser que par nouvelles technologies, on entend les technologies de l’information et de la communication.

Issu des besoins de la pratique, le droit de l’informatique est né dans la seconde moitié du XXe s., plus précisément dans les années 1970. Cette discipline acquiert une dimension nouvelle à la fin du XXe et au début du XXIe, du fait que les ordinateurs sont de plus en plus souvent utilisés en réseaux et que la norme IP (Internet protocole) et le langage HTML (Hyper Text Makup Language) ont permis la mise en place de sites web accessibles au monde entier. Aux difficultés soulevées par l’informatique, sont venues s’ajouter de nouvelles questions tenant principalement aux possibilités de communication publique offertes par les réseaux numériques, d’où une volonté de l’administration de gérer l’usage du numérique sur le territoire français. Désormais, le Gouvernement a choisi de porter ses efforts vers le grand public et la formation. Il a crée une délégation interministérielle aux usages de l’Internet, le 12 novembre 2002, le Premier ministre a présenté un « plan pour une République numérique dans la société de l’information « (appelé plan RESO 2007) sur les orientations fixées quant à l’aménagement numérique du territoire qui ont été reprises par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (le CIADT) le 13 décembre 2002. La DATAR a fait l’état des lieux de la France numérique le 19 juin 2003. Et le 3 décembre de la même année le CIADT s’est repenchée sur la question des technologies de l’information et de la communication au service des territoires ruraux. Entre temps, le 10 juillet 2003, le CISI (Comité Interministériel pour la société de l’information) s’est également réuni pour discuter du développement de la société de l’information. Et enfin plus récemment, le 14 septembre 2004, le CIADT a proposé un plan d’accompagnement du haut débit sur les territoires. Autant dire que l’aménagement numérique du territoire, en plus d’être une des préoccupations récurrentes du gouvernement, est aujourd’hui l’une de ses priorités.

En règle générale, lorsqu’on traite d’un sujet de droit administratif il est bon de traiter des relations administration / administrés et de voir les deux côtés des relations. Or, en l’espèce, l’aménagement du territoire nous fait nous placer du point de vue de l’administration uniquement puisque c’est d’elle qu’émane le projet, même s’il ne nous est pas exclu d’observer quelles conséquences ce plan d’aménagement a sur les administrés. Notre étude sur l’aménagement numérique du territoire est par définition limitée aux usages du numérique, ici exclusivement de l’Internet, de la téléphonie mobile et des technologies alternatives car ce sont les seuls domaines du numérique entrant dans la politique d’aménagement numérique du territoire et il me semble utile de préciser une fois de plus qu’on se situera uniquement sur le territoire français.

On se trouve aujourd’hui devant une France à trois vitesses au niveau des nouvelles technologies et plus précisément de l’accès à Internet, il y a ceux qui ont un accès rapide appelé le haut débit, ceux qui ont un accès lent et ceux qui n’y ont pas accès du tout. Le Gouvernement a su constater cette fracture numérique dans notre pays et a aujourd’hui une réelle volonté de réduire cette fracture. Mais comment réduire la fracture numérique française ?

Le Gouvernement a annoncé d’une part la mise en place d’une politique d’accès aux usages du numérique (ce qui fera l’objet d’une première partie) et d’autre part son soutien à l’émergence du haut débit (ce qui fera l’objet d’une deuxième partie).

I – Une politique d’accès aux usages du numérique

Conformément à son soucis de construire une « République numérique « , permettant un accès de tous à des technologies conçues comme le vecteur de nouvelles solidarités, le Gouvernement a pris des mesures visant à ce qu’aucune catégorie de Français ne soit exclue de la société de l’information. Pour ce faire, il a prévu un élargissement territorial de l’accès (A) et un développement de la formation numérique (B).

A / L’élargissement territorial de l’accès

Le CIADT a donné une nouvelle impulsion au Plan gouvernemental en fixant de nouveaux objectifs plus ambitieux : fin 2005, la couverture Internet devra concerner 96 % de la population nationale à 500 kbits/s et 85 % de la population nationale à 2 Mb/s. Il est même prévu pour 2007 que les particuliers aient accès dans leur commune aux services associés disponibles tels que l’accès au téléphone ou à la télévision par Internet. L’accessibilité, c’est mettre à la portée de tous, ça sous-entend une égalité d’accès. On a vu dans l’introduction qu’aujourd’hui en France l’accès aux usages du numérique était très inégal, d’où la volonté du Gouvernement d’élargir l’accès territorialement parlant à la fois au niveau de la téléphonie mobile et d’Internet.

1) au niveau de la téléphonie mobile : Le CIADT avait déjà pris des engagements dans ce domaine le 9 juillet 2001, c’est pourquoi le gouvernement a proposé un dispositif opérationnel qui permettra aux collectivités locales de bénéficier de l’appui financier de l’Etat tout en leur laissant une large place dans la définition des zones à couvrir. Les préfets de régions ont préparé un plan pluri-annuel de déploiement des sites en concertation avec les collectivités locales et les opérateurs de téléphonie mobile en tenant compte des priorités d’aménagement numérique du territoire. Une convention nationale de mise en oeuvre du plan d’extension de la couverture du territoire par les réseaux de téléphonie mobile a été signée le 15 juillet 2003 associant l’Etat, les acteurs institutionnels et les opérateurs. Cette convention précise que les zones blanches seront couvertes majoritairement selon la technique de l’itinérance locale. L’itinérance permettant de n’installer, dans les zones blanches, qu’un seul réseau capable d’accueillir les communications des abonnés de tous les opérateurs mobiles. C’est l’une des deux possibilités techniques pour étendre la couverture téléphonique sur le territoire (la seconde solution étant le partage d’infrastructures). L’Etat a d’ores et déjà débloqué près de 40 millions d’euros pour ce plan et 30 millions ont déjà été répartis entre les régions pour permettre un engagement rapide des projets. Pour 2007, le Gouvernement s’est fixé comme objectif une couverture de 99 % de la population métropolitaine en téléphonie mobile.

2) au niveau d’Internet : Le premier « Etat des lieux de la France numérique « publié par la DATAR en juin 2003 montre que la connexion permanente et le haut débit étaient fin 2002 accessible à près de 74 % de la population française (soit 37 millions de la population) mais concentrés sur seulement 21 % du territoire. Les 26 % restant de la population française, soit tout de même 15 millions de personnes, sont situés dans des communes ne disposant d’aucune offre. Fin juin 2004, 83 % de la population (soit plus de 50 millions de français, étendu sur 19300 communes) avait la possibilité technique d’accéder à une connexion permanente à Internet. On note une forte croissance de la couverture potentielle des accès à l’Internet, la France a rattrapé son retard en se hissant à la première place européenne pour le nombre de lignes raccordées en technologie DSL (Digital subscriber line / ligne numérique d’abonné). Il reste cependant des disparités. Ces disparités dans l’accès à la connexion permanente constatées à l’échelle nationale sont clairement aggravées aux échelles régionales et départementales. Les moyennes régionales peuvent donc couvrir des écarts très importants à l’intérieur même du territoire (ex : grand écart entre les Alpes Maritimes et Alpes hautes Provence). Aujourd’hui seules trois régions disposent d’une offre concurrentielle (au moins deux opérateurs) : Ile de France, La réunion et L’Alsace. On note également que le taux de connexion à Internet des entreprises s’est accru rapidement dans toutes les régions au cours de l’année 2001-2002. En effet, 77 % des PME disposent désormais d’un accès à Internet. Mais nous sommes toujours à la traîne par rapport à nos voisins allemands ou suédois où l’on comptait fin 2002 près de 95 % des PME ayant accès à Internet. Je parlais de France à trois vitesses dans l’introduction, cette France à trois vitesses a été constaté par la DATAR qui distinguent les zones de concurrence au potentiel économique important (soit 2 % du territoire pour 32 % de la population), les zones d’opportunités au potentiel sensibilisé aux technologies de l’information mais insuffisant pour attirer les investisseurs (soit 20 % du territoire pour 42 % de la population) et enfin les zones de fragilité à l’absence de solution technologique de connexion permanente et de haut débit (soit 78 % du territoire pour 26 % de la population). La politique d’aménagement numérique du territoire mené par le Gouvernement ne vise pas seulement les territoires ruraux. En effet, il existe aujourd’hui, en France, dans les compagnes comme dans les villes, des points d’accès publics à Internet appelés « cyberbases « (vous en avez peut être croisé sans le savoir puisque ces cyberbases ressemblent d’extérieur à des cabines téléphoniques mais sont en réalité des bornes Internet ; reste le problème de la gratuité de l’accès à Internet vue lors de la première séance puisque l’accès aux cyberbases se fait par carte bleue, or tout le monde ne possède pas forcément une carte bleue !) Il existe cependant des espaces multimédias gratuits à la porté notamment des habitant ne disposant pas d’accès privé à Internet (cybercentres, cybercommunes, maisons des savoirs… On compte aujourd’hui plus de 2600 sites publics d’accès gratuits en France). Ces espaces publics numériques font l’objet d’une simplification des appellations et d’une meilleure visibilité, le label « Netpublic « , commun à tous les espaces adhérents à la charte permettra de faire en sorte que l’accès à un espace public numérique soit aussi naturel et facile que l’accès à la bibliothèque. Fin 2007, les petites communes isolées (particulièrement les communes de moins de 500 habitants éloignées des pôles couverts par le câble ou l’ADSL) devront pouvoir bénéficier d’au moins une connexion à haut débit à la mairie et dans un autre point (école ou commerce), pour permettre au public d’accéder aux différents services publics en ligne.

Ces espaces jouent un rôle important dans le rapprochement des générations. Car, en effet, l’accès territorial n’est utile que si la population française utilise Internet. Et justement, au quotidien, l’essor des connexions permanentes à l’Internet a dopé le commerce électronique qui croît à un rythme annuel de 60 %. Ce décollage du commerce électronique s’accompagne d’un intérêt croissant du citoyen pour l’administration électronique (en 2004, plus de 1,25 millions de foyers ont rempli leur déclaration d’impôts par Internet). Mais on sait bien que l’usage du numérique varie selon les milieux sociaux et les générations. Pour pallier cette déficience française, la Gouvernement a prévu de développer la formation numérique.

B/ Le développement de la formation numérique

Le Gouvernement a renforcé les formations diplomantes d’initiation à Internet : le brevet informatique et Internet B2i niveau 1 et niveau 2 pour l’enseignement scolaire, la création d’un certificat informatique et Internet (c2i) pour l’enseignement supérieur, le B2i FC-GRETA ou le passeport Internet Multimédia (PMI) pour la formation continue et le certificat Naviguer sur Internet (NSI) pour la formation professionnelle. Tous ces diplômes ont été conçus pour augmenter l’usage des technologies de l’information et de la communication, parce qu’on a trouvé une défaillance dans le système éducatif français. Le ministre de l’Education nationale, François Fillon est convaincu que les nouvelles technologies peuvent contribuer à lutter contre l’échec scolaire. Bien qu’il existe des programmes d’actions pour favoriser l’utilisation d’Internet par tous les publics, on l’aura bien compris, le Gouvernement mise essentiellement sur la formation d’élèves et d’enseignants en milieu universitaire.

1) La formation pour tous : Le CISI a mis en place des programmes d’actions pour favoriser cette formation ouverte à tous à travers des mesures ciblées : mesures visant à l’insertion des jeunes par les nouvelles technologies (opération : « Les talents des cités « ), initiation des femmes à l’Internet dans les espaces publics numériques, création du label e-vermeil pour inciter les seniors à utiliser le commerce électronique, l’opération rendant les sites Web publics accessibles aux personnes non-voyantes ou malvoyantes (ceci deviendra une obligation dans le cadre de la révision de la loi de 1975 sur le handicap). De plus le Gouvernement a décidé de la mise en place d’une formation à distance en zone rurale, appelé projet « Rur@lnet, LE SAVOIR VERT PARTAGE « . Le développement local en milieu rural appelle l’émergence de compétences nouvelles qui nécessitent l’accès « ouvert et rapide « à des formations et à des ressources adaptées, individualisées qui ne sont pas le plus souvent disponible localement. Ce projet, initié par le ministère de l’agriculture, vise le déploiement sur tout le territoire de dispositifs de formations ouvertes et à distance en milieu rural. Le Gouvernement a mobilisé 400 000 euros pour ce projet, en complément des crédits du ministère de l’agriculture, avec la volonté de développer les usages de l’Internet en milieu rural. A ce sujet, l’institut des nouvelles technologies de l’information et de la formation (INTIF) a d’ailleurs organisé une conférence virtuelle sur son site Internet en 2001. La formation à distance est certes un nouveau moyen de formation efficace, mais l’école reste le socle de la société de l’information, elle doit donc être un des premiers lieux d’apprentissage des nouvelles technologies.

2) La création d’universités numériques en région : Cette création vise à accompagner le développement d’une offre structurée de formation ouverte et à distance pour permettre à chacun d’accéder par les nouveaux modes de communication, aux savoirs les plus divers et tout au long de sa vie. L’accès aux services étudiants dans les établissements et dans les locaux gérés par les CROUS contribuent à l’amélioration du cadre de travail de l’enseignant et de l’étudiant. A ce titre, le Gouvernement a mis en place le déploiement d’universités numériques dans les pôles universitaires prioritaires : les villes moyennes et les universités du bassin parisien. Pour réaliser ce projet, en plus de l’apport des collectivités locales et des groupements d’établissements, le Gouvernement a mobilisé 10 millions d’euros. Les crédits de l’Etat seront versés aux établissements d’enseignement supérieur, membres du projet. A travers ce projet, deux objectifs étroitement liés sont visés : le développement par les établissements de services numériques à destination des étudiants et la prise en compte de l’accès de l’ensemble des étudiants à ces services. Sur ce dernier point, vous avez pu constater ces derniers temps (c’est-à-dire depuis le 28 septembre 2004) la campagne de publicité « mon micro-portable pour le prix d’un café par jour « . Ce slogan taillé sur mesure pour nous, étudiants, nous propose d’acquérir un ordinateur portable équipé d’une liaison Internet sans fil (WiFi) pour un euro par jour. En fait, l’opération consiste en un prêt bancaire à taux réduit proposé par les neuf banques partenaires qui se traduit par un prélèvement mensuel de 30 euros sur trois ans. Pour que cette opération fonctionne il faut que les universités suivent. Il est prévu qu’à la rentrée 2004, près d’une université publique sur deux sera équipée d’un accès WiFi. Des universités numériques thématiques sont en cours de création pour la médecine, les sciences de l’ingénieur, l’économie, la gestion et en ce qui nous concerne le droit. L’objectif est d’atteindre dix pôles d’excellence d’ici à 2007. Plusieurs obstacles sont néanmoins présents : le manque de formation des enseignants, la diversité des contenus éducatifs en ligne et les dérives illicites de l’Internet. Le Gouvernement souhaitent renforcer la formation continue des enseignants, généraliser l’autoformation en ligne et instaurer un certificat de compétences « informatique et Internet « pour les enseignants dans les IUFM (Instituts universitaires de formations des maîtres). Quant au problème de la diversité des contenus, il est prévu de mobiliser 2000 enseignants pour recenser sur le terrain les demandes des contenus et les usages pédagogiques dans le cadre du projet Schene – pour « schéma d’édition des contenus numériques pour l’éducation « . Par ailleurs, deux groupements d’intérêt économique d’éditeurs proposent des dictionnaires ou des manuels scolaires en ligne. Enfin, pour lutter contre les contenus illicites de l’Internet, les sites les plus consultés par les élèves seront contrôlés. En plus de la création d’un réseau de vigilance, il a été recommandé d’avoir recours à des logiciels de filtrage dans les établissements. On peut espérer que l’endurcissement des peines en cas de délits aura un effet dissuasif.

Les formations numériques se mettent donc en place, avec toutes les précautions que cela demande. Ces formations aboutissent à une banalisation de l’usage du numérique, et on a pu le constater notamment à travers les événements numériques organisés par la Ville de Paris. Je pense au festival international pour la création numérique qui a eu lieu à La Villette du 21 septembre au 3 octobre 2004. Pour que ce genre d’événements soit réalisable, il est évident que l’accès au haut débit est incontournable. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de soutenir activement l’émergence du haut débit en France.

II – Un soutien à l’émergence du haut débit

Le Président de la République s’est engagé à ce que toutes les communes de France puissent accéder à l’Internet à haut débit à l’horizon 2007. C’est en effet, un enjeu pour l’attractivité de notre territoire (notamment pour le développement de filières industrielles innovantes). C’est un enjeu économique local pour les entreprises et c’est enfin un enjeu de cohésion sociale afin de permettre l’accès à des services et des commerces souvent concentrés dans le centre des agglomérations. Un fond national de soutien au déploiement du haut débit sur la période 2004-2007 a été créé et déjà 100 millions d’euros ont été versés. Le CIADT a permis de préciser les notions de haut et très haut débit, retenues pour la mise en oeuvre du Plan RESO 2007. Est considéré comme du haut débit un accès à Internet permettant d’atteindre 2 Mb/s. Est considéré comme très haut débit un accès à Internet permettant d’atteindre 20 Mb/s. Le Gouvernement souhaite favoriser la connaissance et le partage des infrastructures de communication électroniques, en mettant en ligne une base de données géoréférencée des réseaux de communication à haut débit. L’Etat établira une cartographie du haut débit (appelée cartes « zoomables « ) disponible sur le site www.territoires.gouv.fr dès décembre 2004. Pour que le Gouvernement réussisse dans sa mission, il a besoin d’une part de partenaires actifs (A) pour assurer un soutien financier, politique et juridique à l’émergence du haut débit, et d’autre part il est parfois obligé d’avoir recours à d’autres technologies dites technologies alternatives (B) pour assurer un soutien technique.

A/ L’évolution du rôle des partenaires

Dans cette dynamique d’accès au haut débit, le Gouvernement a constaté une volonté croissante des collectivités locales de prendre des initiatives fortes en la matière. L’intervention des collectivités territoriales définie à l’art L 1511-6 du CGCT ne semblait plus correspondre à leur volonté. Bien que le Conseil d’Etat ait réitéré l’interdiction faite aux collectivités d’être opérateur de télécommunications, le Gouvernement a décidé de donner de nouvelles compétences aux collectivités territoriales. Pour mener à bien ses projets, le Gouvernement a également fait appel à d’autres partenaires.

1) Les nouvelles compétences des collectivités territoriales : Le Gouvernement reconnaît aux collectivités locales la vocation à exercer des fonctions d’opérateurs et l’article L 1511-6 CGCT a été abrogé par l’entrée en vigueur le 1er août 2004 de l’article L 1425-1 du même code. La France rejoint ainsi la plupart des pays européens ou nord-américains. Les collectivités pourront ainsi se mobiliser en priorité dans les zones où aucune offre d’accès à l’Internet haut débit n’est disponible à brève échéance. L’octroi de nouvelles compétences doit être encadré pour garantir que l’évolution envisagée n’affectera pas le jeu de la concurrence sur le marché des réseaux et services de télécommunications dont la régulation incombe à l’ART (Autorité de Régulation des Télécommunications). Les collectivités pourront désormais : déployer les réseaux locaux, par convention et à titre gratuit le long des infrastructures nationales de transport, demander aux bailleurs sociaux de prévoir les fourreaux nécessaires aux futurs connexions Internet dans leur patrimoine et faciliter l’inscription des réseaux haut débit dans les documents d’urbanisme. Ce nouveau rôle des collectivités territoriales a suscité, chez certains, une certaine méfiance. Ce rôle d’opérateur, défini à l’art L 1425-1 CGCT, ouvre les télécommunications à la concurrence. Ce qui fait qu’aujourd’hui, grâce au dégroupage, France Télécom n’a plus le monopole. Cette évolution de la loi française qui prévoit que les collectivités locales ont droit de fournir des services de communications quand il existe « une insuffisance d’initiatives privées propres à satisfaire les besoins des utilisateurs finaux « . Ce nouveau rôle peut réduire la fracture entre les zones dégroupés et les autres. Il existe deux sortes de dégroupage, le dégroupage partiel qui consiste en la mise à disposition de l’opérateur tiers de la bande de fréquence « haute « de la paire de cuivre sur laquelle il peut par exemple construire un service ADSL, la bande fréquence basse traditionnellement utilisée pour le téléphone reste gérée par France Télécom. Et le dégroupage total qui consiste en la mise à disposition de l’intégralité des bandes de fréquence de la paire de cuivre, l’utilisateur final n’est alors plus relié au réseau de France Télécom mais à celui de l’opérateur nouvel entrant. Ces possibilités de dégroupages, bien qu’en progression constante sur l’année 2003-2004 (on est passé de 100 000 à 1 million d’accès groupés), ne sont pas implantées dans toutes la France, dix-sept départements restent non dégroupés en 2004 (annexe 1 : carte d’implantation géographique du dégroupage). Grâce à l’investissement de l’opérateur historique, au dégroupage et à la concurrence des fournisseurs d’accès à Internet, la France dispose de tarifs d’accès à Internet parmi les plus bas d’Europe. La France a ainsi aujourd’hui la plus forte croissance en Europe des abonnements à des offres d’accès à Internet haut débit. Le Gouvernement a également décidé de mettre en place un pôle de compétences dans chaque région pour assurer un lien privilégié entre acteurs publics locaux, de favoriser la circulation des informations, de constituer un centre de ressources et d’expertises, et de définir le cas échéant des stratégies d’action convergentes, voire communes. Les collectivités locales ont été sollicitées par le Gouvernement dans son projet de déploiement du haut débit. Par exemple, la politique de formation gratuite à Internet dans les espaces publics numériques a été réalisée dans le cadre d’un partenariat avec les collectivités locales. Une intervention publique peut également se justifier pour amener le haut débit dans des zones industriels et économiques. L’ADSL rencontre certaines limites lorsqu’il s’agit de satisfaire les besoins d’utilisateurs exigeants, notamment les entreprises dont les besoins sont en croissance exponentielle. Le CIADT prévoit qu’en 2005, le déploiement de la technologie ADSL 2 permettra aux abonnés de bénéficier du maximum de potentiel permis par la ligne de cuivre avec des débits allant jusqu’à 16 Mb/s. Cependant, l’opérateur Free a pris de l’avance puisqu’il y a une semaine il a lancé l’ADSL 2 avec un haut débit à 15 Mb/s. Fin 2007, pour les entreprises, l’objectif est que les principales zones d’activités économiques du pays bénéficient d’offres à 100 Mb/s, à un coût abordable. Les préfets de régions peuvent être amenés à conseiller les collectivités territoriales pour leurs actions dans le domaine du haut débit. Deux circulaires fixeront les règles à appliquer pour le contrôle de légalité des délibérations prises par les collectivités territoriales en tant qu’opérateur d’opérateur de réseaux ou opérateur de services en cas d’insuffisance d’initiatives privées en application de l’art L 1425-1 CGCT et les conditions dans lesquelles les opérateurs de communications électroniques pourront occuper les zones d’activités et d’habitat.

2) Le rôle des autres partenaires : En ce qui concerne les formations des enseignants à l’université, le Gouvernement a décidé de généraliser « les bureaux en ligne « grâce notamment à un partenariat avec la Caisse des Dépôts et la DATAR. On a vu de plus en plus, le Gouvernement faire appel à d’autres partenaires que les collectivités locales toujours dans son projet de développement de l’Internet haut débit. Notamment, sur la publicité pour le portable à un euro par jour (annexe 2 : publicité « Mon micro-portable pour le prix d’un café par jour « ), les partenaires du ministère de l’éducation sont cités, on y trouve des banques (BNP Paribas, Caisse d’épargne, Crédit agricole, Crédit Lyonnais, Crédit mutuel et Société générale), des fabricants de matériels informatiques (qui correspondentà l’ensemble de l’offre actuelle d’Apple à Dell en passant par Toshiba, Sony, NEC, IBM ou HP, seul Fujitsu-Siemens a refusé le partenariat) et des fabricants de logiciels (Microsoft). BenoîtSillard,sous-directeur des technologies de l’information et de la communication au ministère de l’éducation nationale et de la recherche affirme qu’ « il ne s’agit en aucun cas d’un déstockage (…) les constructeurs ont fait un réel effort en proposant des modèles aux configurations spéciales pour les étudiants, sortes de séries limitées, avec un rabais important de 15 % à 20% sur le matériel, ce qui, avec les logiciels intégrés, conduit à une économie totale comprise entre 25 et 30 % « . On note un réel effort de la part des partenaires. La création des espaces numériques du savoir s’est concrétisée par la constitution de deux groupements d’intérêt économique. Cette scission reflète la situation concurrentielle de l’édition électronique : d’un côté le CNS (qui comprend 32 éditeurs : AFP, Bordas, France 5, Le monde, Le figaro, L’Humanité, Libération, Les échos, La tribune, Nathan…), de l’autre le KNE (qui rassemble les productions du groupe Hachette, plus Belin et Magnard qui appartient à Albin Michel). Ces partenaires de l’Etat proposent aux établissements scolaires des abonnements à taux préférentiels. De plus, grâce à l’effort d’investissement des opérateurs de communications électroniques, le plan de mobilisation RESO 2007 pour une République numérique dans la société de l’information donne aujourd’hui des résultats très positifs.

Les acteurs publics et privés se mobilisent sous l’égide du Gouvernement dans un seul but : soutenir l’émergence du haut débit en France. En matière de Wi-Fi, le partenariat entre acteurs privés et publics se traduit aujourd’hui par plus de 2332 hot spots Wi-Fi ouvert en France. Le recours aux technologies alternatives est inévitable pour le déploiement du haut débit.

B/ Le recours aux technologies alternatives

Conscient que de nouvelles technologies, complémentaires à l’ADSL et au câble, peuvent répondre aux besoins en haut débit, le ministère chargé de la recherche a lancé, conjointement avec la DATAR un appel à projets sur l’expérimentation des technologies alternatives. Le développement des technologies alternatives permet d’accélérer la couverture du territoire en haut débit et de faire émerger des usages et services dans les zones exclues des plans de déploiement des opérateurs de télécommunications. Un fonds de soutien aux technologies alternatives a été ouvert en décembre 2002 et est doté de 4 millions d’euros sur trois ans (en plus des 600 000 euros de crédits d’étude et d’ingénierie mobilisés par la Caisse des Dépôts et Consignations). Le CIADT décide de regrouper ces actions en un seul appel à projets intitulé « accès et usages à haut débit pour les territoires géré par la DATAR et la délégation aux usages de l’Internet « et d’y apporter un complément financier de 2 millions d’euros sur la période 2005-2006. Concernant le déploiement du Wi-Fi sur notre territoire, la France est numéro trois mondial. Mais le déploiement du haut débit est également possible avec le satellite ou le CPL (courant porteur en ligne).

1) la libéralisation des technologies hertziennes : La technologie hertzienne, en particulier le couplage du satellite avec les réseaux Wi-Fi, constitue une des réponses à la fracture numérique territoriale et autorise le nomadisme des utilisateurs : la réglementation a été adaptée par une décision de l’ART et la loi sur la confiance dans l’économie numérique a intégré un nouvel article dans le CGCT autorisant les collectivités territoriales à développer notamment des solutions Wi-Fi. En effet, les réseaux WiFi peuvent apporter une réponse adaptée pour le déploiement de réseaux en raison du faible coût des infrastructures, de la proportionnalité des coûts au nombre d’abonnés et de l’absence des frais fixes initiaux. Pour développer les réseaux à haut débit, le CIADT a décidé de libéraliser les technologies hertziennes. Toute autorisation administrative est supprimée et est remplacée par une simple déclaration à l’ART. Les redevances sur les paraboles et sur les fréquences allouées aux réseaux locaux ont été supprimées en décembre 2002. Des licences Wi-Fi sont attribués gratuitement aux collectivités sur la période 2004-2006, sous réserve de disponibilité des fréquences correspondantes. Dans ce cadre, la délégation aux usages de l’Internet pilote une série d’expérimentation et a signé en octobre 2003 un accord de partenariat avec la société Intel et Cervoni Conseil pour l’équipement d’espaces publics numériques et d’universités en points d’accès Wi-Fi. Cette opération a été lancée publiquement lors de la Journée Wi-Fi qui a eu lieu le 11 mars 2004 à la Maison de Radio France à Paris. On compte aujourd’hui 17 lieux d’accès publics à travers toute la France. Cette opération est prise en charge par les partenaires et est donc gratuite pour l’espace ainsi que pour l’utilisateur Wi-Fi, détenteur d’un ordinateur portable équipé. D’autres expérimentations Wi-Fi sont prévues : dans les hôpitaux (dont Necker, Robert Debré… à Paris et l’hôpital de Dijon), dans les universités (toutes les universités sont en cours d’équipements afin qu’un accès Wi-Fi gratuit et sécurisé soit disponible pour les étudiants d’ici le 31 décembre 2004) et dans les écoles, collèges et lycées (depuis janvier 2004 près d’une centaines d’établissement sont équipés).

2) le développement de l’accès par satellite et le recours au CPL : On assiste de la même manière à un retour aux technologies satellitaires pour ce qui concerne les offres à destinations des PME. Le Gouvernement souhaite que ces offres puissent être accessibles techniquement et financièrement aux entreprises en zone de revitalisation rurale à brève échéance, c’est pourquoi le CIADT a décidé de réduire les impôts des entreprises qui décideraient d’acquérir un terminal pour l’accès à l’Internet haut débit par satellite. Par ailleurs, le Gouvernement a demandé aux préfets de région d’étudier, avec les collectivités locales qui le souhaitent, les conditions de mobilisation des crédits du contrat de plan Etat-Région et des fonds européens afin de financer l’accès des territoires à L’Internet haut débit par satellite. Le CIADT a demandé au centre national d’études spatiales (CNES), d’étudier la faisabilité technique d’un projet de développement satellitaire visant au développement compétitif de nouveaux services multimédias en zones rurales, ainsi que son coût financier qui prendra en compte la mise en oeuvre de partenariats publics / privés pour ce faire. Pour favoriser la croissance sur le marché, le Gouvernement donne son accord pour que la redevance de gestion des fréquences acquittée par les opérateurs de réseau par satellite soit significativement réduite dans les cas des services de communications électroniques utilisant des paraboles de petites puissances. Les courants porteurs en ligne, qui offrent la possibilité de transmettre des données à haut débit et de téléphoner par le biais du réseau de distribution électrique basse tension (et depuis peu moyenne tension), vont être expertisés et techniquement testés pour relier des zones non-desserties par un service d’accès à l’Internet haut débit. Par ailleurs, afin de préciser les modalités juridiques, techniques, économiques et financières, le CIADT du 3 septembre 2003 a demandé au ministère chargé de l’Industrie d’étudier les conditions favorisant le développement de réseaux de desserte grâce aux CPL en zone rurale.

Tous ces projets devront respecter le droit en vigueur relatif à l’intervention des collectivités locales en matière d’infrastructures de télécommunications.

Parallèlement au soutien aux technologies alternatives, le Gouvernement a lancé un appel à projet doté d’un million d’euros intitulé « Télécentres et téléactivités « pour soutenir, en zone rurale, le développement du télétravail (favoriser l’implantation et le développement des activités numériques par des exonérations fiscales).

En conclusion, s’il y a une chose à retenir c’est bien la volonté du Gouvernement d’accélérer la diffusion et la démocratisation de l’accès rapide et permanent à l’Internet sur le territoire français. Cette volonté vient certes un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais.


Johanna CARVAIS



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  • Le Nouveau Petit Robert
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  • « Séminaire sur le thème de l’aménagement numérique du territoire pour l’éducation et la recherche des 11 et 12 juin 2002 à Rouen « , www.educnet.education.fr/equip/anteraef.htm (j’ai tenté de prendre contact avec Marc Guiraud, animateur de la table-ronde, mais mes mails sont restés sans réponse).
  • Tableau de l’évolution du nombre d’accès dégroupés d’août 2003 à octobre 2004, www.art-telecom.fr/observatoire/blr/octobre04/image197.gif
  • « Universités numériques en région « , le 28/07/03, www.artesi-idf.com

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